Après six ans de quasi-silence, hormis quelques enregistrements confidentiels et des musiques pour des compagnies de danse, Fennesz est de retour avec un « vrai » album. Pour ceux qui ont passé une partie non négligeable de leurs après-midi de 2001 à écouter les volutes d’Endless Summer, la nouvelle fait figure d’événement. Le début des noughties voyait, en ces temps devenus drôlement lointains, la laptop music occuper la ligne de mire de quelques uns des plus passionnants artisans de la chose électronique. Endless Summer débarquait alors comme un vibrant point d’orgue et un succès public non négligeable pour un genre jusque là dévoué aux éditions de quelques centaines d’exemplaires.
Depuis, les temps ont un peu changé. En treize ans, le paradigme du cool a viré de bord. La bidouille software et la bizarrerie conceptuelle se sont vues reléguées aux oubliettes face au chant des boîtes à rythme vintage. Pendant ce temps là, Fennesz démultipliait les collaborations : Sakamoto, Oren Ambarchi, Sparklehorse, Jim O’Rourke… Efforts invariablement marqués d’un intérêt tout relatif malgré la fascination que l’on pouvait encore entretenir envers les premiers disques de l’autrichien. Mais pour les nostalgiques d’Hotel Paral.lel, de Venice ou d’Endless Summer, le retour en grâce était toujours considéré comme une éventualité pas complètement invraisemblable.
Au premier abord, on entend dans Bécs (Vienne, en hongrois) ce qui constituait le charme indécis d’Endless Summer : alliage idiosyncratique entre shoegaze digital à guitares embrumées et jeux de cache-cache mélodique. C’est le dossier de presse qui le dit, Bécs est un retour aux sources, soit ni plus ni moins qu’une relecture du dorénavant indépassable Endless Summer. Fennesz s’autocite et conserve religieusement de l’époque le même dialecte. Sauf qu’une fois mis de côté les déluges de FX, les accords joués à la guitare semblent un peu tristes. C’est à la limite du didactique : Fennesz nous conduit de façon imperturbable et presque systématique dans le même schéma : solo vers agrégats amassés de plans et d’effets. Il se fait toutefois de temps à autre plus intriguant. En autres étrangetés qui parcourent l’album, l’intro du morceau Bécs avec son air de Bontempi saturé frôlant le kitsch, doublé au loin de chœurs d’anges, jure avec un vocabulaire autoréférencé. Il faut bien reconnaitre à Fennesz un savoir-faire redoutable pour donner de la matérialité à ses sons.
Peut être que Vienne n’était finalement pas la ville idéale pour renouer avec l’immaculée beauté des surfeurs de l’été sans fin. Christian Fennesz fait un peu penser à cet autre obsessionnel de la bidouille à guitare : Kevin Shields, qui en signant le nouvel album de My Bloody Valentine, prouvait de façon un peu embarrassante que rien ne s’était passé en dix ans. Alors à citer treize ans après, de nouveau la jeunesse éternelle de Brian Wilson, Christian Fennesz a fait comme tout le monde, il a vieilli.