Créé de toute pièce au début des années 70 par un directeur artistique de Polydor Allemagne en réponse au succès de formations teutonnes telles que Can ou Kraftwerk, Faust a très rapidement gagné le statut de groupe culte et le soutien de personnes influentes telles que John Peel. Curieusement boudés à leurs début par leur pays d’origine, la notoriété de Faust s’est répandue comme une traînée de poudre à travers l’Europe, tant par l’originalité de leur musique que par leurs incroyables performances live tenant aussi bien du concert rock que de la performance. Par là même, Faust est aujourd’hui encore considéré comme l’un des principaux mythes du Krautrock (scène allemande psychédélique des années 70. A ce sujet, je ne saurai que trop recommander la lecture du livre A Crack In The Cosmic Egg (Audion Publications), véritable bible de ce mouvement qui a marqué le monde du rock à tout jamais, et qui est loin d’être étranger à l’éclosion récente du phénomène techno…).
La musique de Faust n’a pas vieilli d’un iota : savante alchimie entre un rock somme toute assez traditionnel, l’utilisation de rythmes complexes et hybrides puisant dans le tronc commun du jazz ou de la musique industrielle et un saupoudrage de sons et d’effets électroniques déconcertants, elle reste aujourd’hui encore diablement actuelle. Et c’est tant mieux, car de ce fait, le groupe, longtemps inactif, a décidé de reprendre du service depuis environ trois ans, sortant à nouveau des albums, studio ou live (dont le fantastique Rien, produit par Jim O’Rourke, sorti en 96 sur le label Table Of The Elements), et reprenant avec une fraîcheur surprenante le chemin de la scène. On les aura d’ailleurs vu jouer à de nombreuses reprises avec nos Ulan Bator nationaux, notamment lors des Transmusicales de 96.
Ces deux dernières productions, parues sur le propre label du groupe, sont une bonne entrée en matière qui devrait vous donner envie de remonter aux sources de ce groupe unique. Tous deux enregistrés live, Nosferatu est une performance du groupe accompagnant en direct une projection du film légendaire de F.W. Murnau, tandis que Edinburgh 1997 provient, vous vous en doutez, d’un récent concert qu’on ne peut, à l’écoute, que regretter d’avoir manqué, tout en gardant au fond de sa mémoire, un souvenir amer de leur médiocre dernière performance parisienne. Il faut dire que pour cette dernière, Faust avait exceptionnellement jugé bon de ne pas alourdir sa prestation par l’adjonction toujours remarquable d’instruments rares, tels que bétonneuse, scie circulaire et autres tronçonneuses.
Les plus courageux d’entre vous qui se décideront à plonger dans cet univers dense et hélas trop méconnu s’apercevront vite qu’il ont mis l’oreille dans une machine infernale qui a été diablement bien entretenue depuis sa mise en service. Tous les albums de Faust valent largement le détour, alors, au gré de vos pérégrinations chez votre disquaire préféré, laissez-vous tenter par n’importe lequel, puisqu’il y a fort à parier que dans la foulée, vous vous ferez la totale !
Olivier Lebeau