L’histoire en deux mots : au début des années 80, Frank Tovey était l’Iggy Pop de la musique électronique. Débutée sous les auspices de Daniel Miller, boss du tout nouveau label Mute, qui tâte des claviers sur les premiers singles, sa carrière a rapidement été marquée par une surenchère de provocations live, et par des morceaux qu’on pourrait qualifier de « Suicide en version cabaret ». Rangé des synthés à partir de 1986, Tovey est ensuite devenu une espèce de troubadour folk branque comme seule l’Angleterre sait en inventer, pour revenir récemment baiser avec les machines comme à ses débuts, comme au dernier festival Aquaplanning.
Grandiloquents, toujours à la limite du pompeux sans vraiment y tomber (quoique), les morceaux de Fad Gadget démontrent de manière souvent convaincante que les machines aussi peuvent suer, gueuler, et se rouler par terre. Le disque tient surtout par ses premiers morceaux : Daniel Miller y accompagne encore Tovey aux synthés, et le son, minimaliste et brutal, sonne moins daté que les singles plus récents (1983/84), qui rappelleront aux mieux disposés les premiers Talk Talk, et à ceux que les synthétiseurs ont toujours énervés Duran Duran. Certes, l’histoire a donné tort aux seconds, mais, encore aujourd’hui, il faut une certaine perversion pour apprécier vraiment ce son.
Tout comme la discographie de Suicide, ou les essais des frenchy Dr. Mix & The Remix à la même époque, les premiers singles de Fad Gadget étaient dans le ressac de la vague 77, la démonstration que punk ne rimait pas obligatoirement avec guitare. Vocaux paranoïaques, claviers saturés, beatbox frénétique, pas besoin de six cordes pour bâtir un mur du son conséquent, accentué encore par le goût de Tovey pour les fins en cut brutal. Ce qu’il gagnera en rondeur pop par la suite lui fera perdre le côté puissamment abrasif de ces débuts bruitistes.
Et, si on ne devait en garder qu’un, on choisira Insecticide, B-Side de Fireside favourite, sorte de démence électronique vocoderisée rappelant les 2 Lone Swordsmen ou le remix que fit Plastikman de Barrel of a gun de Depeche Mode il y a quelques années, qu’on imposera systématiquement dans la discothèque de toute personne prétendant aimer la musique électronique. Rien que pour ça, on acceptera tout le reste : le décorum décadent, l’emphase grotesque, bref, tout l’attirail du parfait petit Jim Morrisson.