Alors que l’on s’aperçoit que la crise du secteur discographique touche aussi les structures indépendantes françaises (Lithium, Poplane…), on apprécie les initiatives ambitieuses de jeunes labels, comme celle que la constellation Clapping Music-Active Suspension a mis en oeuvre en janvier dernier en Belgique. Douze artistes ont investi le Vooruit Art Centre de Gand, pendant quatre jours : Domotic, Davide Balula, Noak Katoi, Organ, Erich Zahn, O.lamm, Hypo, MJC, Emmanuelle de Héricourt et des artistes de Gand, ont joué, improvisé, trois journées pendant 8 heures par jour au Vooruit Center. Le tout, enregistré et édité, devrait faire l’objet prochainement d’un event20 sur le label online Evenement (lire notre interview de Damien Poncet dans Le Mag). Parallèlement (complémentairement ?), Clapping Music sort des disques, des vrais CDs avec des pochettes : suivant le très beau Sada soul de My Jazzy Child, arrive ces jours-ci le nouvel album d’Encre.
Après un ballon d’essai funambule entre electronica, variations autour de Mark Hollis et chanson française en devenir, le deuxième album de Yann Tambour, alias Encre, est une petite déception sentimentale. Si le parisien déploie un talent certain pour les progressions et les fragmentations (noeuds de cordes, canevas de batterie, entrelacs de voix) confinant à la pure abstraction (d’où les titres, Marbres, Flux…), le propos se noie un peu dans les nuances. Entre les textes maniéristes et abscons (« On me dit mes traits osseux et mon regard teigne, qui, s’épiant, à son rôle, se prend de mal en pis »), le chant plus que jamais inquiet et rentré (l’ulcère guette), et les idiotismes de production (pizzicati de cordes réverbérés), ces tergiversations agacent. Reste une personnalité obsessive, entre atermoiement illimité et pornographie (le morceau Galant(es?), belle tentative de chanson sexuée)et exclusive (« Et puis casse-toi salope, non mais tu vois pas qu’ici, entre nous on est bien, et on n’a pas besoin de toi ! »), qui pourrait aussi tirer son épinette du rock français Ouï. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.
Dans le registre musique radiophonique et sous pression multilatérale, on a voulu réentendre récemment l’album de Syd Matters, en se disant que, finalement, ce n’était peut-être pas si mal. Stimulation dans une salle Mk2 où les premières secondes du premier morceau de l’album passent entre les pubs et le film, ce qui aurait dû être rédhibitoire, ce qui nous a donné envie de réécouter l’album. Il faut dire qu’Automatic, morceau introït, est quand même une jolie chose, suspendue et minimale, et que la mélodie de Dead machine a tous les caractères de l’évidence. Sous-produite, d’obédience cheap Robert Wyatt, à la simplicité ambitieuse, avec progressions morbides et passages en mineur efficaces, c’est une planerie entêtante, et les radios ne s’y sont pas trompées… Le reste du disque, réverbs partout et lyrics qu’on ne suit pas toujours, pâtit d’une production en demi-teintes, et finalement, d’un manque d’ambition dommageable à des mélodies qui auraient méritées meilleure entourage que boîtes à rythmes et instruments MIDI. Fait avec les moyens du bord, cet album qui semble être sorti au moins trois fois déjà, présente toutefois une personnalité sincère et une belle collection de mélodies sous influences Leonard Cohen-Nick Drake, annonciateurs on l’espère d’un avenir pop-ulaire. On en conclut qu’on est bien plus exigeant avec ceux dont on attend beaucoup et plus tolérants avec ceux dont on n’attend rien.