Il y a un an nous arrivait de nulle part deux ovnis qui révélèrent l’existence de cet Elliott Smith, alors inconnu de tous. Si le premier disque, celui du groupe Heatmiser, intitulé Mic city sons, ne faisait que nous replonger dans le proche passé du grunge, il nous permettait aussi de faire connaissance avec les deux têtes pensantes du groupe, l’énervé Neil Gust d’un côté, et un Elliott Smith (très) inspiré de l’autre. C’est vers le second que notre intérêt se porta, les quelques joyaux de ce qui allait devenir le dernier album de Heatmiser (le groupe a splitté après la parution de Mic city sons) étant signé de la plume torturée de Smith.
Nous ne pouvions pas imaginer qu’une telle sale gueule d’Amerloque tatouée, vérolée et couverte d’une horrible casquette (cf. pochette), était capable d’une telle sensibilité, d’une telle conscience de son propre spleen et de réussir à transcrire ses désenchantements dans des chansons au folk lourd du poids d’une dépression nullement éloignée de celle du copain/protégé de Michael Stipe, Vic Chesnutt qui nous avait tant et tant bouleversé ces dernières années.
Et bien, ce nouvel arrivant est bienvenu au club des dépressifs à guitare en bandoulière. Tellement bienvenu que le pointillisme musical de Gus Van Sant a insisté pour que la musique de Smith soit très (pas moins de six morceaux !) présente au générique de son dernier film Good will hunting. Et l’on apprit par la même occasion que l’Américain n’en était pas à son coup d’essai. Nous vous engageons d’ailleurs à vous procurer le plus vite possible, après le chef d’oeuvre Either/Or (de loin son meilleur disque), les deux premiers albums Roman candle et Elliott Smith. Et vous verrez que sur la photographie de pochette de Roman candle (1994), un grand diable long et fin comme un jour sans pain apparaît incognito, le dernier déprimé en service auquel nous ferons référence après Michael Stipe et Vic Chesnutt (Nick Drake n’est pas loin non plus mais il est mort !), Et oui, vous ne rêvez pas, c’est bien Will Oldham ! Tous ces rigolos notoires ne peuvent que très bien entourer Elliott Smith, alors à vous de jouer…