Après Calling over time, merveilleux premier album languide et limpide, produit par Jim O’Rourke, puis Telescopic, tant harmonieux que rêche, du fait de la production de Neil Michael Hagerty (Royal Trux), voici le troisième opus de la divine Edith Frost, le secret le mieux gardé du rock indépendant américain. Avec sa cover classic-rock 70’s, Wonder wonder est un disque folk, premièrement dédicacé à « Dieu », une merveilleuse démonstration de song-writing, et plus beau mariage de la beauté et de la mélancolie.
Comment une femme de la réputation d’Edith Frost (elle fumerait joint sur joint et serait acariâtre) peut-elle produire des chansons d’une telle ampleur, et produire à chaque album, un nouveau compagnon musical indéfectible ? Chaque album d’Edith Frost est une énigme à résoudre, un tout à découvrir, un paysage à arpenter, et ne laisse dévoiler que peu à peu, au fil des écoutes, ses milliers de trésors.
Ici, la voix grave, profonde et incroyablement féminine (une sorte de maturité du grain, loin des glapissements érotogènes de toutes les bimbos de la R&B mainstream) la situe avantageusement au sommet du panthéon des chanteuses américaines les plus estimables, de Kate Bush à Chan Marshall. La douceur élémentaire, le phrasé américain, la suavité sans obscénité et la retenue sans timidité font de l’interprétation d’Edith Frost la chose la plus agréable de ces après-midi de janvier.
Et si les textes interrogent ses amours et ses croyances (« I don’t know what to do about you / I don’t know what to do about you / I learned a lot of rules from the Bible baby /but I wonder wonder what I should do », Wonder wonder), ce sera sur les arrangements de Rian Murphy, des cuivres chauds et bondissants, mis en harmonie selon la magie propre à une certaine idée de la pop, celle du meilleur des Kinks. Sur Further, la mélodie prend les intonations de Simon & Garfunkel, mais agrémenté de cordes étendues, et Will Oldham hante avec bienfaisance Merry go round.
Accompagnée par le gratin du folk-rock chicagoan (Rian Murphy, Archer Prewitt, Rick Rizzo, Mark Greenberg, etc), Edith Frost décline ses histoires d’amour, qui transcendent toutes les histoires d’amour (« You’re so easy to love / you’re just an angel from above / you’re just the lover / that I’ve always dreamed of /it seems you’re very easy to love », Easy to love), sur des basses rondes, des percussions claires et précises, des guitares chaudes, des choeurs angéliques, selon une harmonie de couleurs rêvée. Edith Frost s’inscrit dans la grande tradition des chanteuses américaines de country-folk, dont l’intérêt pour nous est redoublé, pour son étrangeté géographique et sa simplicité folklorique. Le folk, comme son nom l’indique est la musique des « gens » (« folks »). Et Edith Frost, bibliquement simple, en est la plus belle représentante.