Qui se souvient de One Dove, ce groupe du début des années quatre-vingt-dix qui n’a guère marqué le public qu’avec un single et un seul album, Morning dove white en 93, mélangeant pop mélodique et rythmiques de dance légère ? Ceux d’entre vous qui sont en possession du single feront le rapprochement entre la pochette de cet incunable et la photo qui orne Afterglow, premier album en solo de Dot Allison. Car avant de se poser en touchante interprète de ses propres déconvenues amoureuses, la longiligne Dot Allison avait justement offert ses textes et sa voix au disparu One Dove.
Après la séparation du groupe en 1995, elle prit quelque peu le large puis revint en simple (?) chanteuse chez certains de nos favoris de la nouvelle vague folk pop rock techno (et des styles j’en passe…!) au rang desquels Arab Strap et bien sûr Death in Vegas sur le récent Contino sessions. Retour sans doute accéléré par le goût actuel pour les voix féminines un peu haut perchées mais au timbre situé entre le très doux et l’évanescent, comme un mélange de folk et de spoken word avec un côté lyrique mis en avant à de rares moments toujours fort bien choisis (Tomorrow never comes rappelant le premier et superbe album des Sundays avec une guitare peu éloignée d’un Mazzy Star moins torturé).
Dot Allison est donc de la race des Beth Gibbons et des Beth Orthon. Physiquement, elle se rapproche de très près de la chanteuse de Portishead. Et sa musique n’en est pas du tout éloignée non plus. On sent d’ailleurs quelques influences de l’album live du groupe de Bristol dans les arrangements de cordes (de Did I imagine you ? co-écrit par Hal David, idéal partenaire de Burt Bacharah).
Pourtant, si les parallèles sont faciles à faire aux premières auditions d’Afterglow, l’album de Dot Allison dévoile des charmes assez particuliers et une personnalité bien trempée. Les compositions sont très variées sans doute aussi parce que les compositeurs qui ont contribués, avec elle, à la mise en musique de ses textes viennent d’horizons assez divers. On trouvera donc sur Afterglow quelque trip-hop dans un genre tout à fait proche de Portishead : le single Colour me, mais avec un refrain sur lequel la voix passée à l’harmoniseur fera craquer jusqu’aux nouveaux fans de Cher effarés par ses piètres prestations scéniques (mais je m’emporte), et aussi de vraies chansons pop à grandes envolées qui renverront au Tears for Fears des premières bonnes années. Close your eyes et ses accords de piano clair nous rappelle donc la jeune Emiliana Torrini, fraîchement débarquée de son Islande natale avec… Roland Orzabal dans ses bagages !
Cependant, Dot Allison souhaite révéler de plus nombreuses facettes que toutes les autres chanteuses citées plus haut. Du spoken word de Message personnel (hommage au chef-d’œuvre de notre Françoise Hardy ?) à la musique nordique de I Wanna feel the chill, renvoyant à Stina Nordenstam et à Chansons des mers froides, l’album d’Hector Zazou faisant chanter Björk. Du très Death in Vegas(ien) -parce que co-écrit par Richard Fearless et Tim Holmes- Morning sun au riff très Spandau Ballet de Mo’ pop, Dot Allison nous montre qu’elle est capable de s’inventer une nouvelle personnalité pour chaque titre, jusqu’aux deux splendides ballades finales et à sa diction française, ce qui ravira les plus chauvins d’entre vous…