Minneapolis : berceau des musiques noires américaines et, décidément, terre nourricière du ressourcement de nos explorateurs hexagonaux qui, avec plus ou moins de réussite (voir le récent projet de Michel Portal, abondamment commenté, on ne peut plus controversé), partent y chercher l’inspiration et les compagnons d’une redécouverte directe et immédiate des rythmes et humeurs de cette Great Black Music avec laquelle, tout européens blancs qu’ils fussent, ils ont bel et bien quelque chose en commun -something in common.
Sous la houlette du producteur Jean Rochard et en compagnie de ses deux partenaires Didier Petit (violoncelle) et Pablo Cueco (zarb), le clarinettiste Denis Colin s’est donc envolé vers les terres d’un Prince et, autour d’un répertoire mêlant figures du saxophone et grands noms de la musique noire, qu’elle soit soul ou rock, y a invité quelques voix du cru (Wayne McFarlan, Snap G en « spoken vocalist » litanique et fascinant ainsi que le triangle des Dirty Bandits dont il est l’un des piliers, la famille Steele -un patronyme, cinq chanteurs- et Gnew Matthews) et la guitare électrique de Mike Scott. Chaleureuses, essentielles, ces neuf reprises de Hendrix (If 6 was 9), Rollins, Shepp (Blasé), Stevie Wonder, John Coltrane (splendide Amen en conclusion) ou Marlena Shaw donnent à entendre un brouet dépaysant et luxuriant de sons et de voix admirablement menées par une clarinette basse aussi riche qu’à l’accoutumée (bouillonnante, parfois rauque). Colin mène sa barque au coeur d’une Black Music dont il perce l’esprit et, une fois encore, rompt les haies et barrières placées entre des champs musicaux qu’il se refuse à parcourir séparément, voire entre le champ musical au sens large et d’autres dimensions -historiques, politiques, humaines- qui, démontre-t-il en définitive, ont là-bas something in common.