En choisissant le nom de Demdike Stare, les Londoniens Sean Canty et Miles Whittaker annonçaient la noirceur de leur musique, d’abord conçue comme la bande originale d’un film d’horreur inexistant : le « regard de Demdike », du nom de l’une des accusées de Pendle, condamnées pour sorcellerie dans l’Angleterre du XVIIe siècle, est au cœur des premiers EPs du duo (Symbiosis, 2009, et Forest of Evil, l’année suivante).
Demdike Stare a forgé sa propre discographie sur un principe quasiment alchimique: transformer un matériau sonore exhumé des tréfonds du digging en de trépidantes épopées rythmiques. Leur bass music cinématique, où s’enchevêtraent samples de musique orientale, boucles de library music et drone des ténèbres, semblait composée pour un sabbat lubrique et lugubre. La parution d’Elemental en 2012, double album infiniment sombre, complexe et cohérent, peaufine leur univers en orientant leur palette sonore sur des ambiances plus industrielles. L’aspect visuel n’est pas en reste, puisque le duo britannique s’accompagne en live de cut-ups de films bis – d’un giallo obscur des mid-seventies à une zéderie horrifique du Turkmenistan.
Hantée tour à tour par les fantômes du bocage anglais, les sortilèges occultes des hashishins ou les fumeroles enivrantes de rituels païens, la musique des deux anglais caracole vers un ailleurs fantastique où l’on danse sous hypnose, la tête emplie de visions délicieusement cauchemardesques. Du voodoo dub et des ambiances lovecraftiennes de leurs premières productions jusqu’à la jungle revisitée de leur série Test Pressing (tous sortis sur leur propre label Modern Love) se dessine une singulière cosmogonie.
Pourtant, très loin de l’image sinistre et du trip sorcellerie / horror flicks auquel on les associe depuis leurs débuts, encore plus loin du jeu de dupes ésotérique et des discours fumeux sur lesquels, forts de leur aura mystérieuse, ils pourraient tout miser en interview (à l’image d’un certain patten), Miles Whittaker et Sean Canty sont deux types affables, généreux et modestes. Ce sont aussi deux ascètes bienheureux qui n’en finissent pas de se remettre en question, et de s’étonner face à cette chose infinie qui constitue leur principal carburant: la musique. Rencontre des plus amicales au festival Primavera Sound, où le duo s’apprêtait à plonger dans l’effroi une Boiler Room transformée en sauna. Quelques jours avant la sortie de leur Testpressing #005.
Chro : A la sortie de Tryptych en 2011, lors d’une interview que vous avez accordée au site The Quietus , vous déclariez: « On doit aller de l’avant, parce que c’est ce qui assure la primeur de notre musique et qui préserve notre enthousiasme. C’est exactement la même chose en ce qui concerne la production de musique. On ne veut ni retour en arrière, ni stagnation. Cette année, là, maintenant, on veut se retrouver dans un lieu complètement différent ». Depuis, il y a eu Elemental, en 2012, toujours chez Modern Love. Aujourd’hui, en 2014, avez-vous le sentiment d’avoir suivi cette ligne de conduite ?
Miles : Oui, clairement, avec la série des Test Pressings. Dans l’industrie du vinyle, la première chose que tu fais faire, c’est un test pressing du disque que tu veux sortir : on l’écoute, puis on donne le feu vert pour la version finale, qui sera distribuée. C’est la toute première version d’un disque – un test. On a décidé de se focaliser sur cet aspect de la production d’un disque, et d’en faire une série. Chaque nouvelle sortie est un test. Elemental était presque la suite de Tryptych, en plus concentrée. Tryptych allait dans tous les sens, puis on a utilisé une palette de sons plus restreinte pour Elemental. Mais les test pressings, ça a complètement changé notre façon de travailler, d’écouter de la musique et de sortir des disques. Ce qui change, c’est aussi le son des disques, et même leur aspect.
Chro : Est-ce à dire qu’il n’existera que des éditions limitées de vos prochaines sorties ?
Miles : Non. Ce qui nous plaît, c’est juste d’adopter l’attitude du test pressing, et son esthétique, ne serait-ce qu’avec les pochettes – blanches, tamponnées en noir.
Chro : Et en quoi cela change-t-il la musique que vous faites ?
Sean : Il y a moins de pression. On n’a pas celle qui est liée au fameux troisième album. L’idée, c’était surtout de se faire plaisir, en composant de la musique de club et surtout en piochant dans le la drum and bass, la techno, le grime, la bass music, la drone bass. Le truc, c’était de rompre avec ce qui nous a fait connaître, avec Tryptych et Elemental, et leurs longues compositions prog rock. Il nous fallait un retour aux sources : l’esthétique club punk en l’occurrence.
Chro : Vous êtes connus pour votre quête obsessionnelle des disques les plus rares, pour cette pratique qu’on a appelée le crate digging.
Sean : Je ne suis pas fou de cette expression. « Collectionneur de vinyles », ça me convient mieux.
Miles : Ça s’approche davantage de la musicologie / spéléologie.
Chro : Cherchez-vous tous les deux la même chose ?
Miles : On a des origines musicales très différentes. Moi, je viens de la techno, de la house, de la jungle, et Sean vient de la soul, du funk et du hip hop. Mais on se croise, on a des terrains communs : le rock, la techno, les library records, et c’est à ce carrefour que se situe Demdike Stare. Au croisement de deux mondes.
Chro : Existe-t-il un saint Graal du vinyle pour vous ?
Sean : Il en existe tant !
Miles : Et qui relèvent de tous les genres musicaux.
Sean : Il y a tout un pan de la library music italienne, le plus expérimental, qui constitue un Graal pour nous.
Miles : La library music, plus qu’un Graal, c’est une corne d’abondance, c’est un univers à part entière. On s’y perd. Ce sont des disques qui ont été enregistrés pour la télé ou les émissions de radio, qui n’ont jamais été commercialisés. Ils viennent surtout de France et d’Italie, mais pas exclusivement : il en existe des mines d’or entières, en Allemagne, en Turquie… C’est vraiment un objet de recherches. On y passe beaucoup de temps.
« La library music, plus qu’un Graal, c’est une corne d’abondance, c’est un univers à part entière. »
Chro : Comment définiriez-vous un library record (disque d’illustration sonore, NDR) type ?
Miles : Un library record lambda s’appellerait, par exemple : « Suspense ». Ce serait un disque ne comportant que des morceaux d’illustration sonore liés au suspense.
Sean : Et ce sont des morceaux conçus la plupart du temps pour des images animées, et qui sont très brefs. Les gens qui enregistrent ça répondent à des consignes du genre : « Aujourd’hui, vous allez enregistrer de la musique liée au sport ». Du coup, il existe des disques intitulés « Sports », « Peur », « Horreur ». Ou même des morceaux de quatre minutes composés selon la consigne : « Un homme entre dans un bar », consigne qui deviendra son titre. On trouve des tonnes de vinyles dans le genre.
Miles : Tu ne t’imagines pas tout ce que tu peux trouver ! Des disques de jingles pour journaux télévisés qui n’ont jamais été choisis par les chaînes de télé…
Sean : … ou tous ces disques de biologie : « Battement de cœur », « Respiration », enregistrés dans des hôpitaux…
Chro : Comment parvenez-vous à dénicher tous ces disques ?
Miles : C’est un monde très obscur que celui de la library music… Les vinyles sont très difficiles à trouver. C’est très jubilatoire de partir à la recherche de perles rares. Parfois, tu tombes sur un disque que personne n’a écouté depuis vingt, trente ans. Ils ont été enregistrés dans les années 1960, 1970, et ça peut ressembler à n’importe quoi. Par exemple, des compositeurs de jazz, qui étaient aussi des musiciens de library, allaient en studio, laissaient tomber le jazz pour exprimer, spécifiquement et sur commande, telle atmosphère, telle ambiance. Ils en profitaient pour expérimenter des instruments qu’ils ne connaissaient pas, et qui se trouvaient dans le studio : des synthétiseurs, des drum machines par exemple. Du coup, le résultat ne ressemble à rien de ce qu’aurait pu faire un spécialiste de ces instruments. Ils expérimentaient !
Sean : Et comme ils travaillaient pour de grosses compagnies, dans les meilleurs studios du monde, ils étaient comme des gosses dans un magasins de jouets.
Miles : C’est là tout un pan incroyable de l’histoire de la musique, toujours très obscur. Parce qu’on ne pouvait acheter les disques nulle part. Ils ne « sortaient » pas. Tu vois, il n’y a pas longtemps, je suis tombé sur un disque de mon compositeur préféré, qui n’avait pas été touché, et encore moins écouté, depuis des lustres. Tu te rends comptes alors que tout reste à découvrir. Il y a ce moment où tu te dis, dans ta vie de musicien, que tout a été fait. C’est faux : tu n’as encore rien entendu.
« Il y a ce moment où tu te dis, dans ta vie de musicien, que tout a été fait. C’est faux : tu n’as encore rien entendu. »
Chro : Comment vous les procurez-vous ?
Miles : Ces disques étaient envoyés aux chaînes de télé, et quand l’une d’elles fermait, soit elle détruisait ces disques, soit elle les vendait au rabais.
Sean : Et dans un sens, ce sont des disques inachevés, parce qu’ils sont faits pour des films. Les compositeurs sont souvent contraints au dépouillement, pour ne pas empiéter sur le film, les dialogues. Alors tu peux trouver des pistes très arides, qui ne consistent qu’en un drone…
Miles… ou un coup de grosse caisse. Tu n’y comprends rien, parce que tu n’as pas les images pour accompagner la musique. D’où ce sentiment d’inachèvement : c’est exactement cela, la library music.
Sean : Cette découverte a définitivement changé notre manière d’écouter de la musique. Ça a changé ma vie.
Miles : Oui, parce que cette musique n’existe pas pour être commercialisée, seulement pour créer des atmosphères ou susciter des émotions. Alors dans un sens, c’est presque une forme pure de musique, même s’il elle répond à un but précis.
Chro : Ce que vous me dites me rappelle cette phrase, que vous avez prononcée dans la même interview : « Une fois que tu commences à penser à te faire du fric, tu modifies radicalement la raison pour laquelle tu t’es mis à la musique au départ. »
Miles : Oui, à la différence que cette musique dont on parle n’a pas été faite gratuitement : elle implique des licences, des droits d’auteurs. Mais je pense que Sean et moi, on aime tellement la musique, que si on commençait à écrire de la musique pour de l’argent, on n’y arriverait pas, justement parce qu’on aime la musique. On l’aime tellement que l’on ne veut pas abîmer notre relation avec elle, pour de l’argent. Alors du coup, on ne fait pas de compromis. On n’essaie pas d’être populaires. On essaie, nous aussi, de créer des atmosphères et de susciter des émotions. Mais désormais, les gens ont l’esprit plus ouvert. Nous parvenons à vendre des disques, même si ce ne sont pas les disques les plus faciles à écouter…
Sean : Écoute, dans une heure, on joue dans ce qui est peut-être le plus gros festival musical européen, Primavera Sound. Et on nous réserve – à Prurient, the Haxan Cloak, Andy Stott et nous, entre autres – un chapiteau magnifique uniquement consacré à une musique expérimentale, très difficile. On a joué dans d’autres festivals, mais on était mélangés avec les autres. Andy Stott a joué hier, il a testé le lieu pour nous autres, et c’était plein à craquer. On vit une époque formidable ! Formidable pour la musique ! Il aura fallu une vingtaine d’années de musique difficile jouée par des groupes pionniers pour en arriver là.
Miles : C’est une question de chronologie, aussi. Quand j’ai commencé à faire de la musique, j’avais une vision très étriquée de ce que j’avais vraiment envie d’écouter et de composer. House, jungle et techno, point. C’était bien maigre, comme vision des choses. Mais plus tu évolues, si tu évolues, plus ta vision s’élargit. Et maintenant, on en est à écouter de l’opéra. Ce n’est pas la musique la plus évidente, mais on trouve de quoi se nourrir partout, dans tous les genres. On ne peut pas dire qu’on « aime l’opéra », mais si tu cherches, tu trouveras forcément quelque chose, dans certains enregistrements, pour te toucher. Et on s’en sert pour Demdike Stare.
« On se sent encore comme des gosses de quinze ans qui s’achètent leur premier album, parce qu’on passe notre temps à écouter des choses qu’on n’avait encore jamais entendues. »
Chro : On lit beaucoup de choses concernant votre « identité », sur le Net. La plupart du temps, on définit la vôtre comme un croisement entre le passé (l’utilisation de vieux samples) et l’avenir (votre manière des les traiter, de jouer sur le morphing et les filtres). Il m’apparaît, en vous écoutant, que votre identité se définirait davantage par les choix que vous faites parmi l’infinité des possibles – et en l’occurrence l’infinité des samples que vous pouvez extraire de l’infinité des disques que vous trouvez. Quelques secondes de tel opéra, quelques secondes de tel morceau issu d’un library record intitulé « Biologie », etc. L’identité, c’est la somme des choix que l’on fait parmi l’infinité des possibles.
Miles et Sean : C’est exactement cela, en ce qui nous concerne.
Miles : Mais il faut du temps, beaucoup de temps pour en arriver là. Si j’avais écouté des library records il y a quinze ans, je serais complètement passé à côté. Mais même aujourd’hui, on n’a aucune idée de ce qu’est la musique. C’est tellement immense ! On se sent encore comme des gosses de quinze ans qui s’achètent leur premier album, parce qu’on passe notre temps à écouter des choses qu’on n’avait encore jamais entendues.
Sean : Comme quand on a entendu, pour la première fois, de la jungle ou du hip hop, et qu’on se disait : qu’est-ce que c’est que ce bordel ?!?
Miles : Pareil, aujourd’hui, pour la library music. Parce que c’est tellement expérimental – et en même temps, parce que ça ne l’est pas du tout. On vit vraiment une époque incroyable. Avec Internet, des gens du monde entier mettent en ligne, sur You Tube, des disques hyper rares. Tape « French library music » sur You Tube, et tu trouveras des millions de résultats. C’est tellement jouissif ! Mais bien sûr, il faut y passer du temps. La plupart des trucs que tu trouves sont nases, genre « musique de campagne », alors il faut que tu saches ce que tu recherches. Il faut faire des recherches par studio, par compositeur. Il te faut une entrée. C’est toujours comme ça que ça marche, la recherche musicale. Tiens, prends John Mc Entire, de Tortoise. Tu tapes son nom dans Google. Et là tu te dis : tiens, il a fait un album solo ! Puis : tiens, il a aussi fait une BO ! Celle de Reach The Rock. Et tu te rends comptes que c’est une compilation qui regroupe d’autres artistes qu’il aime. Qui sont-ils ? Que font-ils ? Sur quel label sont-ils ? Que propose ce label ? C’est de la recherche. Cela prend du temps, et tu ne trouves pas toujours de quoi te nourrir. Mais une fois de temps en temps, tu trouves quelque chose qui te fait dire : « c’est ça ! c’est le meilleur truc que j’aie jamais entendu ! » Et tout ce travail, c’est plutôt Sean qui l’a fait. C’est lui, le vrai collectionneur. Quand Demdike Stare n’en était qu’au début, il me faisait écouter tous ces trucs, et moi je disais : « Mais qu’est-ce que c’est que ça ?!? ».
« Ce que les Neptunes ont produit pour lui, ou pour Britney Spears, avec ces sons très secs, taillés à coups de marteaux, c’est tellement bon… »
Chro : Vous vous connaissez depuis longtemps, donc.
Miles : Sean était le petit frère de mon meilleur pote. Je l’ai toujours connu.
Chro : vous faites de la musique difficile d’accès, comme vous le dites. Mais écoutez-vous des choses plus accessibles ?
Sean : J’adore ce que fait Timbaland, ou les Neptunes. Quand tu écoutes les versions instrumentales des Neptunes, tu retrouves le dépouillement de certains morceaux de la library music italienne, quelque chose d’ultra efficace et de nu.
Chro : Timbaland, the Neptunes… Ce qui nous amène à Beyoncé…
Sean : …qui, à mon sens, est fantastique.
Miles : J’ai tous les disques des Destiny’s Child. Je les adore. Elles sont géniales. Les rythmiques et les arrangements sont complètement dingues !
Sean : C’était cette époque où tous les styles, tous les sons se mélangeaient. Et c’était l’époque où le hip hop prenait la place de la pop music, alors que le hip hop commençait à sampler de la bass music. Et pour ne pas être poursuivis en justice, les majors ont fait appel à des producteurs qui composaient des sons originaux, et c’est là que sont apparus des gens comme Timbaland, avec son côté acid et son énergie rock.
Miles : J’adore aussi Radiohead. Kid A, mon dieu ! Je n’aime pas tout ce qu’ils font, mais Kid A, c’était complètement dingue, de balancer ce disque électronique dans les oreilles des gens qui n’écoutent que de l’indie. C’était risqué !
Sean : Il y a plein d’artistes d’aujourd’hui qu’on aime vraiment bien.
Miles : Justin Timberlake !
Sean : Oui, l’album Justified (2002)… Ce que les Neptunes ont produit pour lui, ou pour Britney Spears, avec ces sons très secs, taillés à coups de marteaux, c’est tellement bon… Ou Kanye West, qui s’inspire des sons les plus expérimentaux du moment, dans un cadre pop. Bon, le mec se prend pour Dieu et ses paroles sont incroyablement nases, mais il fait partie des gens qui repoussent les limites de la pop et qui rendent caduque tout préjugé musical.
Chro : Voilà qui rafraîchira votre image !
Miles : (Rires) Timbaland est vraiment une source d’inspiration pour moi. Ses programmations de beats sont juste démentes…
Sean : Miles est un mélange de Timbaland et d’Artwork (NDT : Arthur Smith, producteur garage et membre de Magnetic Man), qui n’a pas fait grand chose, peut-être cinq albums. Tous incroyables.
Miles : Il mélangeait de nombreux genres ; ses disques de UK garage étaient du dubstep avant l’heure.
Sean : C’était une période charnière dans la musique underground. Ça ressemblait d’abord à de la jungle. Ce qu’il faisait était très en avance, basé sur des broken beats. Les gens n’étaient pas près pour ça. C’est de ça qu’on te parlait tout à l’heure : il a fallu des années et des années d’expérimentations pour que des gens comme Timbaland se mettent à s’inspirer de tout ça : d’obscurs library records italiens, d’albums indus’ expérimentaux des années 1980, ou d’un disque de jazz…
Miles : La liste est infinie. On n’aura pas assez d’une vie pour écouter la moitié du quart de ce qui existe.
« On achète des disques. On vit dans des appartements minuscules. Voilà le tableau.»
Chro : N’est-ce pas décourageant ?
Miles : Non, c’est enthousiasmant ! C’est décourageant quand tu crois avoir tout entendu. Quand tu en arrives là, tu t’ennuies. Mais si tu cherches, si tu tires sur le fil qui dépasse de toutes ces pelotes, tu te rends compte que c’est vraiment infini. Parmi les quelques pelotes, les quelques sources – appelle ça comme tu veux – dont on a parlé avec toi ce soir, il y en a bien trois qui me maintiendraient éveillé pendant dix ans.
Sean : Et puis il y a toute cette musique punk à base de guitares qui nous intéresse aussi… Bref, tout nous parle. C’est ce qui fait qu’on a bien conscience d’être des Jack of all trades (NDT : du dicton anglais : « Jack of all trades, master of none » : touche-à-tout, spécialiste en rien). Musicalement, c’est ce qui nous décrit le mieux ! Parce que là, on t’a parlé de library music pendant toute l’interview, mais en fait, ce n’est pas tout ce qui occupe notre vie musicale et demain, il est possible qu’on se plonge dans le grime ou dans des disques de drum n bass datant de 1996-97, genre Source Direct.
Chro : Vous ne vous consacrez qu’à votre musique ?
Sean : Oui. On vit de peu. On n’a pas besoin d’une maison avec un garage.
Miles : On achète des disques. On vit dans des appartements minuscules. Voilà le tableau. Pas besoin de Mercedes, ou de trucs dans le genre. L’espace est restreint, bien sûr, alors quand j’achète un nouveau disque, il prend la place d’un autre dans mes étagères. Tout est renouvelé, tout le temps.
En fin de soirée, Miles et Sean me dressent généreusement une liste de recommandations musicales qui forment la source de leur inspiration :
Egisto Macchi, Voix, library music
Egisto Macchi, I Futuribili, library music.
This Heat, This Heat
Source Direct, Exorcise The Demon
T++, n’importe quel morceau, comme celui-ci
Marie-Claude Robert, Supranatural, chez Montparnasse 2000, en 1970 :
Camille Sauvage, Fantasmagorie, extrait de « Requiem pour Satan » :
Larry Heard, Missing You, remixé par Theo Parrish:
Jean-Claude Vannier, Insolitudes, extrait de « L’Enfant Assassin des Mouches » :