On va encore se répéter mais c’est un ravissement de voir la pop qui se contentait tout juste de nous faire danser il y a trois ans, mûrir sans rien perdre de la vigueur qui animait nos jambes. Dans ce petit univers qui s’épanouit depuis l’été 2009, il y en a pour évoquer le terme un peu ridicule de « blisscore » à son sujet, encore qu’il est assez juste en ce qui concerne les quatre barcelonais de Delorean (lire notre entretien), si l’on considère leur trajectoire du brouillard hardcore des débuts à la clarté des mélodies de leur dernier EP Ayrton Senna.
Pour ceux qui se souviennent, Ayrton Senna, c’était déjà quatre super morceaux. Le gros tube Deli d’abord, qui laissait flotter sur un rythme UK garage des choeurs de femmes perdus dans le très lointain, avant de s’envoler au premier battement de grosse caisse, pianos en pagaille et lignes claires de guitares ébouriffées par le vent. Dans un même élan juvénile, on avait aussi l’exubérant Moonson qui alignait les riffs en double-croche avant d’arrêter sa course au devant d’une house syncopée à la Todd Edwards. Seasun, superbe également dans son escalade de choeurs extatiques auxquels se seraient joints sans peine The Tough Alliance. Et enfin, dans le lot, il y avait aussi ma préférée, Big dipper, dont la piano-house percutait les voix pitchées, harmonies et violons devant l’éternel : tout le maxi en fait exultait d’un enthousiasme jamais entendu depuis au moins le premier maxi d’Air France (On trade winds), sinon le premier album de Phoenix.
Et là, nous arrive Subiza à la veille de l’été, qui reprend tout de ce qui nous avait plu et le propulse un cran plus près du soleil, pour mieux voir fleurir ces nombreuses voix surpitchées, medley piano-house et textures trance. On imagine que le mixage a du être un enfer pour les super producteurs John Talabot et Chris Coady dans la brume des 80 pistes d’arrangements que compte chacun des neuf titres. C’est d’ailleurs à la verticale que se déploient ces morceaux, à mesure qu’ils progressent vers des climax éblouissants de limpidité mélodique, comme dans toute la techno qu’ils adorent (Border Community, kompakt) et il nous tombe donc une série de growers pour irradier tout l’album, dont on peine à extraire le plus lumineux, des plongées sous-marines de Stay close aux ruissellements de pianos et harmonies volées chez Panda Bear de Simple graces. Dans le torrent de tubes, on arrêtera sûrement le choix sur ce Grow flamboyant, pour tout ce qu’il incarne, depuis son nom aux tempos allegro, marimbas, et superpositions de nappes vocales à n’en plus finir : le troisième Summer of love, c’est bien pour maintenant.