On attendait beaucoup de Death in Vegas, sachant que Dead Elvis, leur premier album sorti il y a maintenant deux ans et demi, avait seulement laissé entrevoir ce dont Richard Fearless et Tim Holmes (ainsi que Steve Hillier, aujourd’hui parti) étaient capables. Beaucoup d’idées, beaucoup de très bonnes intentions, mais peu de concrétisations. A la fin, on était presque énervé contre cet album un peu bâtard, hésitant, qui donnait l’impression qu’avec un peu plus de maturation, on aurait eu droit à quelque chose de grand.
Il faudra encore se faire une raison : Fearless et Holmes, même avec la sortie de ces Contino sessions (du nom du studio du groupe, The Contino rooms) bien plus homogènes et épanouies, ont certainement besoin de temps. Le disque est loin d’être parfait, et pourtant, et pourtant, il recèle quelques pépites : Dirge, Soul auctioneer, Aisha, Broken little sister.
Certains errements des débuts ont été corrigés : si la diversité dans l’inspiration est toujours de mise, la production offre comme une espèce de fil rouge tout au long de l’album qui permet de se laisser aller à des digressions sans pour autant donner prise à des baisses d’intérêts intempestives. On est ainsi surpris, mais aussi captivé, dès les premiers titres –Dirge, sorte de bossa gothique, et Soul auctioneer– par ces sonorités sombres, presque poisseuses, réminiscentes, osons le dire, de Bauhaus et d’une de ses émanations, Tones On Tail. Une ambiance à la fois follement classe et un peu malsaine, qu’on décrirait « fin de siècle » si l’on était dans le Figaro magazine. Dirge, en particulier, est une longue montée d’adrénaline qui part sur une guitare un brin mélancolique pour se gonfler par la suite, jusqu’à être un capharnaüm baroque. Les claps cinglants de Soul auctioneer viennent couper et rythmer le flow de Richard Fearless, tandis que la basse ronronne et que guitares traitées et claviers geignent. Un très grand titre, entêtant, maîtrisé de bout en bout, obsédant même. Il faut attendre le quatrième titre, Flying, pour que l’atmosphère se détende quelque peu, grâce à des guitares du coup plus cristallines -on n’a pas dit paisibles.
Puis c’est Aisha, morceau sur lequel Iggy Pop a été convié, et ma fois, l’iguane s’en sort sans problème. C’est, il est vrai, l’un des titres les plus rock et directs de l’album. Sa voix profonde se retient jusqu’aux injonctions finales : un classique. Lever street est une autre respiration, instrumentale, avant Aladdin’s story, l’un des morceaux les plus « enjoués » du disque, presque groovy, mellow, sur lequel la voix de Dot Allison se pose comme du velours. Le contraste n’est ensuite que plus saisissant : Jim Reid (Jesus & Mary Chain, remember) s’empare du micro –Broken little sister-, et le moins que l’on puisse dire, c’est que sa voix torturée se fond à merveille dans le magma sonore concocté par Fearless et Holmes. Neptune city vient conclure l’envoi tout en teintes psychédéliques, et de suite, on enchaîne de nouveau sur Dirge, histoire de se convaincre que Death in Vegas a fait son grand bond en avant, ou presque. Reste à peaufiner les détails, certaines impressions un peu plus neutres que l’on a à certains moments, comme si la gangue qui devait libérer le talent qu’a indubitablement Fearless ne s’était pas encore tout à fait ouverte. Le diamant est encore un peu brut, mais il brille déjà pas mal.