Initialement composé de Josh Frazier, le projet Dead Mellotron s’est élargi à Courtney Corcoran et Aimee Bowen après le départ du fondateur de la Louisiane pour Baltimore. Le groupe a déjà à son actif deux autres albums autoproduits, disponibles sur le Bandcamp du groupe, dont Ghost light constellation qui figure parmi les dix disques que Nathaniel Cramp, le boss de Sonic Cathedral, aurait aimé avoir sorti (la liste contient aussi Slowdive, Ride et New Order). Après des échanges sporadiques et quelque peu chaotiques, le label sort ce troisième album de Dead Mellotron. Ca peut paraître peu, mais pour un groupe des années 2010, ce n’est pas rien : une première incarnation physique, dans l’aura d’une wishlist un peu folle (tous les grands noms du rock eighties ensemble). Glitter semble un peu sage, du coup, filant vite et droit dans la trace de cette liste de modèles rêvés. C’est un travail de référence savant, certainement ambitieux, et peut-être, parfois, un peu trop fidèle à l’esprit du genre.
Ce disque n’en reste pas moins une heureuse surprise, à plusieurs niveaux. Il ne cesse de prendre à contre-pied le shoegaze, et Dieu sait pourtant s’il avance dans sa droite ligne. Peu diserte, à l’inverse de nombre de ses aînés et modèles, l‘affaire est bruyamment expédiée en une demi-heure à peine. Vitesse et condensation, Glitter n’a rien du shoegaze sans bord qui ne cesse de s’effranger dans le bruit qu’il produit et tous ses titres sont courts. Il s’en dégage une clarté pas si fréquente que ça dans le petit cénacle du rock à pédaliers : les voix y sont parfaitement audibles, les guitares s’y dessinent avec une précision toute neuve. Ces écarts minimaux avec la lettre du genre mis à part, c’est bien un disque de shoegaze pur jus. C’est son ambition – tracer dans le sillage de ses pairs – et sa limite, cette fidélité extrême à la lettre du genre.
Un peu comme sur une production disco – qui l’eût cru ! -, Glitter fond ses sept morceaux les uns aux autres, en une séquence quasi continue où alternent instrumentaux et titres chantés. Ce parcours en droite ligne – sorte de grand sillage électrique – alterne guitares poppy, riches sommets acoustiques (Stranger) et cascades guitaristiques (Can’t see). Moins épique et plus lyrique que Slowdive, plus doux et coulé que Lush, moins rugueux et indie rock que Ride, le disque n’en poursuit pas moins sa belle route chaotique, où la douceur s’échange avec l’abrasif, où les guitares et les vapeurs de synthés (The Cure ici, The Soup Dragons là pour certaines parties rythmiques) se métamorphosent en un instant en torrents électriques (Dying).
Glitter est une alternative au shoegaze puriste, une sorte de mutation historique du genre vers sa version « ligne claire ». Il nous reste désormais à suivre l’effort de transformation du genre qu’accomplit Dead Mellotron. Si ça reste aussi beau, on sera là.