Hypothèse : la vague grunge portée par Nirvana il y a quelques années était l’équivalent fin de siècle du « rock héroïque » des années 80. De la musique de garçons qui hurlent pour nous montrer qu’ils croient vachement à ce qu’ils racontent (sauver le monde, sauver sa gueule), puis qui finissent par se demander pourquoi ils crient. Ainsi, de même que U2 a viré pop, tous ces groupes se sont séparés (Soundgarden, Faith No More) ou ont évolué (Stone Temple Pilots, Pearl Jam), et il ne reste aujourd’hui pas grand chose, en dehors du hard pur ou de NIN, de ces Américains torturés. A l’heure de l’électronique tellement tendance, ces cris parfois ridicules nous manquent un peu.
« Le bon goût est l’ennemi du beau ». Days of The New, proche en cela des Manic Street Preachers, est un groupe pas facile à défendre. Ses chansons sombres et lyriques, servies par une voix qui n’hésite pas à se gratter les cordes furieusement, risquent de repousser les oreilles trop polies. Avec un premier album acoustique en 1997 rappelant Alice In Chains et produit par Scott Litt (R.E.M.), le groupe du chanteur/compositeur Travis Meeks s’était fait un nom aux USA. L’album, bien qu’un rien monotone, révélait la maturité de Meeks (alors âgé de 17 ans mais déjà père d’une fille de 2 ans, ça se passe comme ça dans le Kentucky) et donnait envie de les suivre. Days of The New version 1999 c’est Meeks seul, des « divergences artistiques » ayant eu raison des autres membres. Il joue de tout sur cet album qu’il a produit, et vus les changements on comprend que ses amis aient eu du mal à suivre. Dès le premier morceau, Fight response, le ton est donné puisque violons, chœurs féminins et trompettes font leur apparition. Plus loin on croise un orchestre complet, du hautbois, des bruitages étranges, pour des arrangements d’une variété très éloignée du sobre premier album. Comme il le chante sur le morceau du même nom, « I’m not the same ».
Le résultat est souvent euphorisant, tenant un bon équilibre entre rock américain « alternatif » (de Jane’s Addiction à Soundgarden) et « classique » (à la Tom Petty ou John Mellencamp), avec le songwriting pour fil conducteur. Presque tous les morceaux font mouche. Quand ce n’est pas la voix profonde qui nous captive, c’est une jouissive cavalcade de guitares, ou des surprises comme Skeleton key et Longfellow, instrumentaux semi-électroniques des plus intriguants. Pas étonnant que dans les remerciements apparaissent aussi bien les Doors que Dead Can Dance. Bref, du bon folk-rock torturé mais pas geignard, à la fois roots et moderne, très produit mais pas putassier, qu’on conseille à tous les décomplexés du CD. Et accessoirement, voilà un plat de tripes préparé avec plein d’amour, qu’on servirait bien en douce aux adeptes de la cuisine techno, juste pour voir leurs têtes…