Chaque année réserve son lot de surprises, ses petites bombinettes discographiques sorties de nulle part. Pour l’an 2000, Day One en fait à coup sûr partie. On ne les connaît pas, ou presque, les deux : Phelim Byrne et Donnie Hardwidge se sont fait les crocs dans diverses formations mutantes et obscures de la bonne ville de Bristol, avant qu’une démo n’arrive par des voies détournées aux oreilles de 3D (Massive Attack), qui les signe direct sur Melankolic. La suite est limpide : l’album est enregistré puis produit dans la foulée à L.A. par Mario Caldato Jr., producteur des Beastie Boys. La rumeur enfle, sur la foi de deux singles imparables. Aujourd’hui, c’est l’heure de la révélation. Ordinary man tue sur place. Mais en douceur. Aux premières écoutes -et votre serviteur a écouté pour vous cet album une bonne trentaine de fois depuis plusieurs semaines-, l’ensemble sonne un peu light, un peu minimaliste, à la limite du banal. Puis on se rend compte qu’Ordinary man est tout simplement différent. Différent de ce qu’on a écouté jusqu’ici, différent de ce à quoi on s’attendait sachant que le disque sortait sur Melankolic (impossible ou presque d’écarter les préjugés et les a priori).
On avait beaucoup parlé, aux débuts de Beck, de la fusion improbable mais réussie entre les influences les plus roots de la musique populaire (blues, folk, country, pop) et des sonorités plus contemporaines, plus urbaines aussi (hip hop, sampling, etc.). Ce jugement s’applique parfaitement à Day One, si ce n’est que leur album est littéralement habité par une sorte de groove sec sur l’os et infectieux, quand Beck préférait l’esprit foutraque et slacker. Pourtant, pas de grands mystères sous cette musique. Des influences claires (la musique pop sixties/seventies, le folk, le hip hop), le goût des histoires (des textes doux-amers inspirés du quotidien élevés par la grâce poétique au rang de philosophie de vie), une production en apparence simpliste, mais en fait parfaitement maîtrisée et sans aucune forme de lourdeur. Ca donne Ordinary man, un disque qui enfle dans le cerveau au fil des écoutes, et qu’on a finalement envie d’écouter à tout moment, pour les grandes occasions de l’existence et les petits coups de blues, sans raison parfois, le matin, le midi et le soir quand ce n’est pas la nuit, seul ou entre amis.
On a du mal à sortir certains morceaux plutôt que d’autres, tant ils font corps tout en affirmant chacun leur petite personnalité. Waiting for a break ou I’m doin fine marquent bien entendu immédiatement les esprits, mais pas au détriment de Walk now talk now, Trying too hard (écoutez les paroles, une petite leçon de comportement hilarante et triste à la fois, pensez au cinéma de Ken Loach) ou du poignant -et pas nunuche- Ordinary man. Arrivé à ce point, il reste, je crois, une seule chose à dire : Ordinary man est sans doute ce qu’on appelle, dans le sens le plus noble et le plus élogieux du terme, un classique.