Saluons la belle initiative du label Tricatel, qui vient de consacrer un volume de sa collection « Musée imaginaire » à David Whitaker. Ce nom, qui dit peu ou pas grand chose à la plupart d’entre vous, est pourtant associé à quelques unes des plus belles réussites de pop orchestrale, des sixties (ce bon vieux Lee Hazlewood) à nos jours (la B.O. de Harry, un ami qui vous veut du bien). D’ailleurs, vous reconnaîtrez, quoiqu’il arrive, l’adaptation de The Last time des Stones par The Andrew Oldham Orchestra qui a été samplé sans vergogne par The Verve pour façonner leur tube planétaire Bitter sweet symphony… David Whitaker fait partie de ces « célèbres inconnus » dont le travail n’est approché que par ricochet par le public, tant il a été influent sur le travail d’autres musiciens sans jamais recevoir, en retour, le coup de projecteur qu’il aurait mérité.
Une des curiosités de l’album est ce fameux premier single de Nico, I’m not saying, assez inhabituellement tubesque et enjoué pour figurer au répertoire de la dame en noir. Whitaker semble être un habitué des (belles) plantes vénéneuses puisque c’est lui, encore, qui entoure Marianne Faithfull pour sa surprenante reprise de Plaisir d’amour. Notre homme fit les beaux jours d’une pop de haute volée, aux arrangements exigeants, sans pour autant donner dans le prétentieux des groupes de la décennie suivante. Ce genre de musique étant devenu obsolète à l’orée des années 70, il change son fusil d’épaule. The David Whitaker songbook renferme donc également son lot de musiques de film (espionnage ou autres) très classieuses, en fait son pain quotidien jusqu’à aujourd’hui. Et l’on comprend aisément que le Gainsbourg « période anglaise » se soit adjoint les services du maître pour mettre au point Comic strip et d’autres fantaisies pop.
La partie la plus récente de cette sélection comprend sa version du Remember de Air, qui rend l’originale bien dispensable ou le beau thème du film de Dominik Moll, L’Autoroute des vacances. Heureusement, Bertrand Burgalat et Thomas Jamois se sont bien gardé d’intégrer ici les travaux récents de Whitaker : pour Halliday, père et fils, ou encore Les 10 commandements. Du coup, en l’état, The David Whitaker songbook permet de (re)découvrir un pan caché et enchanteur de la musique populaire de ces quarante dernières années.