Depuis l’époque glorieuse de Japan -leurs albums sont quasiment tous inaudibles aujourd’hui-, les disques de David Sylvian sont une affaire de famille. Celle qu’il s’est créée au fil du temps, et de vagabondages aux quatre coins du globe. Pour ce Dead bees on a cake, on ne retrouve pas moins de cinq collaborateurs de marque : son vieux complice RyuichiSakamoto, Marc Ribot, Kenny Wheeler, Talvin Singh, et Bill Frisell ; alors que sur le titre Praise, l’une des belles réussites du disque, c’est son professeur Shree Maa qui chante (sans compter les photos du livret sur lequel figure son épouse, source d’inspiration -et de respiration- directe et influente).
Cet auteur-compositeur raffiné aime se coltiner aux musiques noir-américaines (blues, jazz) et possède un sens unique de l’épure. L’Asie est pourtant son domaine de prédilection. Il est allé y chercher une discipline. Et sans doute ce goût pour la sophistication, voire la manipulation technique : mise à part la guitare de Ribot, toutes les autres prises des musiciens ont été retravaillées sur l’album. Mais à force de rechercher la nuance, l’ensemble confine parfois à l’ennui : le style new-age calamiteux de Café Europa et de Krishna blue. Armé d’une voix de chanteur de soul -un peu atone tout de même-, David Sylvian offre à qui veut l’entendre (ils ne sont pas légion) une musique paisible, toute de délicatesse sans être morne. Entre mélopées monotones et instrumentations libres (All of my mothers name), la plupart des morceaux, il est l’un des seuls, dans le genre pop-songs délicates, à opérer un rapprochement entre les musiques expérimentales et populaires. La richesse de ce vaste univers tour à tour comble et déçoit. Car le souffle spirituel qui l’anime ne suffit pas à nous convaincre entièrement. Dommage, car la beauté du lumineux Darkest dreaming méritait de trouver d’autres titres à sa hauteur.