La pop music américaine nous a habitués à diverses choses : d’une part larme à l’œil et médiator suspendu, bricolages tordus de l’autre. Puis il y a ces aliens qui emmêlent des inspirations surprenantes dans des compositions chansonnières inédites : rock certes, mais aussi free-jazz et musique contemporaine. Nous avons déjà constaté les résultats probants de cette alliance inattendue chez Sonic Youth, mais avons aujourd’hui affaire à un talent récent, mature et protéiforme : David Grubbs.
Transfuge de Gastr del Sol, groupe qu’il anima avec Jim O’Rourke et qui fit les belles heures du Chicago post-rock, David Grubbs officie depuis deux ans en solitaire, -il nous a déjà offert un album splendide The Thicket, alors que Tortoise dynamitait la composition instrumentale avec TNT. Aujourd’hui accompagné de John Mc Entire à la batterie, du guitariste français Noel Akchoté et des saxophonistes Quentin Rollet et Mats Gustafsson, David Grubbs réinvente l’idée de Far West en neuf morceaux quiets et sobres.
En effet, il n’y a aucune surenchère d’effets dans The Spectrum between, dont l’épine dorsale est constituée d’un dialogue guitare / voix à se rouler par terre, tant la formule, dans sa simplicité, est efficace. Le chant de David Grubbs, aussi attachant que celui de Robert Wyatt ou Bill Calahan (Smog), noue des arpèges impeccables, tandis que son jeu de guitare, d’une richesse rare, forme une étape nouvelle pour la pop comme pour la country. Mâtinées de bribes expérimentales, zones de dérapages parfaitement mises en place, les pièces de The Spectrum between opèrent dans une brume exquise, où la pop music nous apparaît plus que jamais forte et, dans ses influences, indécise.