South, voici un an, avait marqué l’entrée de David Binney dans le premier cercle des nouvelles têtes à suivre ; avec ce Balance à la tonalité beaucoup plus électrique, le saxophoniste confirme la forte impression de ses premiers pas et avance à foulées décidées dans l’exploration d’un univers délibérément éclectique et composite. « Les gens disent que je joue de nombreux styles de musique. Lors de mes gigs au 55 Bar à New York, je change radicalement d’une semaine à l’autre. Une fois ce sera plus composé et acoustique ; la suivante, free et franchement électronique. Ca dérange certaines personnes. D’autres adorent. Moi, j’en ai besoin », explique-t-il laconiquement dans les notes de pochette de ce nouvel album au titre justifié, élaboré à partir du souvenir des héros de la période électrique dont les disques bercèrent l’adolescence des musiciens de sa génération : Stanley Clarke, Jan Hammer, Weather Report, Tony Williams, Herbie Hancock et consorts.
Avec les indispensables Uri Caine (claviers, piano) et Jim Black (batterie), tous deux présents sur South, Tim Lefebvre (basse) et l’excellent Wayne Krantz (guitare), Binney propose une musique à facettes multiples, ouverte au funk, au jazz-rock (au meilleur sens du terme) ou à la pop (même remarque) plus volontiers qu’au straight à proprement parler (encore que…) ; on a l’impression d’entendre les Five Elements de Coleman ici (Armlyn Trangent), un souffleur funky là, un groupe de pop barré ailleurs (I’ll finally answer, entêtante petite ritournelle, avec la voix de Tanya Henri et les bruitages aquatiques de la guitare de Krantz). Contrastes, adjonction de discrets bidouillages electro au quintet acoustique, ruptures de tons et d’ambiances, efficacité d’envolées qu’on aurait aimé plus nombreuses, diversité des personnalités invitées (Kenny Wollesen, Adam Rogers, Jon Haffner et d’autres) : sa construction soigneusement réfléchie n’est pas le moindre atout de cet album multiple, que chacun appréciera pour une raison différente.