Profitons de ce bon disque pour rendre hommage à un personnage peu médiatisé de la scène électronique. Père de famille, remixeur actif, fondateur de Pussyfoot Records, DJ, producteur demandé et auteur de trois albums solo depuis 1996, Howie B est un homme occupé. Mais alors que la liste de ses collaborations est un who’s who de la pop contemporaine (Soul II Soul, Tricky, Björk, U2, Hal Willner, Sly & Robbie, en attendant Les Négresses Vertes), Howie l’Ecossais attend toujours une renommée grand public.
Sa musique n’est ni spectaculaire ni facilement catégorisable : chacun de ses albums brasse, sur fond ambient, un subtil mélange d’influences trip-hop, dub ou big beat, mais qui ne ressemble à rien de tout cela, et dont la finesse échappera aux gens pressés. Howie Bernstein est un amoureux de musique, un passionné de son ouvert aux nouvelles expériences, plus proche d’un minutieux Brian Eno que d’un puissant FatBoy Slim. Eno avait son Music for airports, Howie aura en 1996 son Music for babies, premier album ambitieux et fascinant, autant musique pour bébés que musique pour faire des bébés.
Car Howie, dont les titres sont souvent sexuels, est un Eno avec des fesses. On se souvient encore du saisissant Butt meat (« viande de cul » ou « viande pour cul » ?), morceau instrumental à la basse stimulée électriquement et qui lâchait un flot sonore bouillant et indescriptible. Et quand on voit l’expression du cheval sur la pochette de cet album, on se dit que quelqu’un ou quelque chose va se faire chevaucher bientôt. They shag horses don’t they demande d’ailleurs le dernier morceau, longue pièce toute en gouttes et en pistons, dont la liberté de ton rappelle Leila.
Cet album a beau être signé Daddylonglegs, il sonne comme une œuvre solo de Howie, ce qui est logique vu qu’il partage la paternité du groupe avec Jeremy Shaw (aussi de Naked Funk), multi-instrumentiste qui l’accompagne dans tous ses travaux. De la lente montée de Pony Express, sur la basse chewing-gum à laquelle viennent se coller des sons typiques de Howie (un magma de synthé ou de guitare impossible à déchiffrer) au They shag horses susmentionné, l’album est traversé par un thème cheval/cowboy, ce qui nous vaut des titres aussi réjouissants que Giddy up avec ses voix western débiles, mais sa basse énorme (quels graves !), la complainte futuriste When Betty comes to town, ou l’émouvant Bareback (« dos nu », décidément), qui voit notre monture calmement parvenir jusqu’à la mer et contempler les vagues. Tout western requiert ses respirations, Howie et Jeremy alternent donc sans cesse les tempos, souvent dans un seul morceau, comme dans The Cobbler, qui démarre abstrait, trouve son rythme, puis fait une sieste avant de finir en virée hypnotique.
Cet album comporte ainsi de nombreux plaisirs difficiles à décrire. Sans être révolutionnaire, il offre une vraie jouissance sonore et suffisamment de surprises musicales pour que l’on plaigne ceux qui n’auront pas le temps d’y jeter une oreille attentive. Come to Daddy !