Amon Tobin, avant d’être le Amon Tobin que tout le monde connaît, producteur et compositeur d’une triade discographique d’anthologie (Permutation, Bricolage, Supermodified), juxtaposant samples de jazz et expérimentations rythmiques, a d’abord produit un album et quelques maxis sous le nom de Cujo. Originellement sortis en 1996 sur le petit label Ninebar, ces titres longtemps introuvables font aujourd’hui l’objet d’une réédition par Ninja Tune. Une compagnie américaine sans scrupules avait déjà fait circuler une version du disque avec tracklisting modifié, une pochette différente (non approuvée) et des titres erronés. Il était bon de rétablir la vérité et l’intégrité de ce premier album, qui fait aujourd’hui office de témoignage d’une créativité en friche mais déjà foisonnante. Indispensable pour tous les fans de Amon tobin.
Adventures in foam contient en germe tout ce qui définira l’identité musicale particulière du jeune brésilien : beats hip-hop concassés, samples jazz, progressions et contre-pieds, un don inné pour la création d’ambiances variées. Plus simple et moins ambitieux que ses successeurs, ce premier album n’en reste pas moins un document passionnant, rendant compte du développement d’une technique, la création d’un style. Avec plusieurs titres ouvertement drum’n’bass, Adventures in foam montre l’art en devenir de Amon Tobin, son apprentissage des gimmicks et clichés de la scène électronique de l’époque, pour mieux s’en départir et construire sa propre identité. Pour Amon Tobin, « La musique est une machine à voyager dans le temps. Les clichés musicaux sont très importants : le jazz des 50’s, les B Movies des 60’s, le funk des 70’s, le hip-hop… Utiliser les clichés musicaux est une manière d’organiser la mémoire. C’est une musique mnésique, mais pas autobiographique, chacun peut y reconnaître des éléments de sa propre mémoire musicale et les interpréter à sa manière. C’est un peu comme lire son horoscope. »
Agrémentée de six bonus-tracks dont le torride The Brazilianaire, cette réédition est une source qui ne se tarira pas. Avec ses atmosphères poisseuses et psychédéliques, ses lignes de contrebasses d’un autre temps, ses beats stratifiées et ses nappes inversées, ce premier album représente la création d’un genre et d’une école, qui sera bientôt la marque de fabrique de Ninja Tune. Abstract-jazz ou trip-hop, les étiquettes seront forcément réductrice devant le grand talent d’Amon Tobin-Cujo, grand ordonnateur des sons, architecte des atmosphères. Un disque langoureux, qui colle à la peau, et qui conviendra très bien à un été tout en sueur.