Entre jazz électrique et free rock, Jimi Hendrix et le jeune Terje Rypdal, Crlustraude s’inscrit dans la lignée des grands power trios qui ont effacé la frontière entre la puissance brute du rock d’un côté, la complexité et la liberté du jazz de l’autre. Nourris à tous les rayons de la grande discothèque du vingtième siècle, du folk mélancolique (une reprise des Sisters of mercy de Leonard Cohen) au rock visionnaire de Wyatt (Alifie Alifib, en conclusion, étiré sur une bonne quinzaine de minutes), les trois musiciens donnent un détonnant mélange d’électricité et d’improvisation, une musique hybride et envoûtante qui évoque aussi bien les détonations du Lifetime de Tony Williams que les récentes explorations rock de Jim Black. Batterie foisonnante à cheval sur le binaire et le ternaire (Nicolas Larmignat, auteur de trois des six compositions originales), basse coup de poing (Stéphane Decolly) et guitare versatile (Pascal Maupeu) tissent des paysages sonores surprenants, volontiers violents et zébrés de passages quasi bruitistes, dans lesquels la sophistication de la construction et de la mise en scène ne freine jamais le surgissement de l’improvisation et de la spontanéité. Riffs de guitare grasse, lignes tendues, atmosphères sombres et orageuses, accalmies mélodiques reposantes mais vaguement inquiètes : malgré son nom rigoureusement imprononçable, ce jeune trio hexagonal s’impose avec cet impeccable coup d’essai comme l’une des formations les plus prometteuses du moment. A surveiller.
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