Mi-figue, mi-raisin, quelques surprises, du déjà-vu, peu d’innovations et pourtant une sacrée dose d’ambition : Handcream for a generation n’est pas un chef-d’oeuvre mais il est fort possible qu’il marche, et plutôt bien. A la première écoute, rien de neuf sous le soleil, on reprend les bonnes vieilles recettes épicées, sucré-salé, guitare-sitar, batterie-tablass et on balance la sauce. Et puis en insistant un peu, on se rend compte que Cornershop est sorti de son pré carré pour aller loucher (et parfois mettre les doigts) dans l’assiette des voisins.
Fidèles à leur habitude, ils ont invité du beau linge. Sur l’intro, Otis Clay scande à l’américaine, happy, ironique, quelques phrasés rappés bien sentis. Sans scrupule, les Conershop nous ont concocté des titres branchés (Music plus 1, People power, London radar), tendance Modjo, ponctués de tous les beats à la mode avec un intérêt non dissimulé pour le dancefloor. Les Rythmes Digitales, les Chemical Brothers et Daft Punk n’ont qu’à bien se tenir : certains morceaux pourraient faire un malheur auprès des bobos qui se piquent d’ethnique ! Mais si les boucles faussement mal syncopées sont très trendy, les paroles n’apportent rien, et on se dit qu’à force de lorgner vers le succès, ils risquent de le rencontrer et laisser leur engagement politique aux vestiaires.
Pour les nostalgiques de Brimful of Asha, les Cornershop ne se privent pas de faire du Cornershop (Staging the plaguing of the raised platform et surtout le single, Lessons learned from Rocky I to Rocky III). Grosse machine sans charme particulier pour les plus sceptiques, ce titre-phare sera, après quelques habiles rotations radio, un hymne efficace pour les adeptes de l’Asian touch. Le plus souvent, les compos manquent de fantaisie, les arrangements donnent l’impression de déjà entendu, les rimes kitchissimes lassent et le trait semble forcé.
A la moitié de l’album, la voix se fait plus modeste, donc plus attachante (Wogs will walk). La complicité revient, la méfiance s’estompe. Quand Singh chante doucement, on tend l’oreille, quand il n’en met pas plein les yeux, on les plisse avec intérêt. Cet unique titre confidentiel, anodin mais propre, réconcilie avec la dimension artistique du projet.
Quand Spectral mornings commence, on ne sait pas encore que le morceau va durer un quart d’heure mais on sent qu’on n’est pas sorti de l’auberge. Tandoori mild, exotique mais pas trop, ce morceau de bravoure -sur lequel Noel Gallagher s’en donne à coeur joie- est difficile à digérer. Le plat est trop copieux pour les estomacs fragiles et les encens montent à la tête. Après ce détour par l’Inde, c’est reparti pour une virée dans l’espace-temps (Slip the drummer one), en compagnie de voix de robots dont l’intérêt est non-identifié. Qui trop embrasse mal étreint. Embué dans les vapeurs d’alcool et autres substances moins licites, on est saoulé, dans un état proche de l’Ohio. Si le but était de nous offrir un petit tour au-dessus des nuages, là où le ciel est toujours bleu, on remerciera le commandant de bord et les charmantes hôtesses, mais pour visiter des lieux historiques, ou faire avancer l’histoire de la musique, il faudra repasser. Le Bonus track résume assez bien l’arrière-goût de cet album : facile à écouter, légèrement décalé, sympathique mais bien trop racoleur pour être attachant.