Un bon titre à réécouter trois fois de suite, avant de laisser le disque tourner en boucle et de façon complètement linéaire : l’appétit vient en mangeant dit-on… Il s’agit de El camison de Pepa, un son (prononcer « sonne« , un vieux rythme paysan de l’est cubain à l’origine de plein de modes au pays de Castro) qui fit les beaux jours d’Antonio Machin dans les années 20. Un revival song sans ratures ni excès. Dans le genre Papy fait de la résistance, on ne trouvera certainement pas mieux. Car son excellence Francisco Repilado, alias Compay Segundo (ainsi appelé à cause de son rôle de voix seconde à l’époque du duo « Los Compadres »), est un fringant nonagénaire qui sait aussi bien apprécier la vie par le bon bout que faire saliver les mélomanes de plaisir, en restant fidèle à l’esprit et à la tradition du son tels qu’il se vivait à Cuba… bien avant la révolution et le ton supposé plus moderne de la salsa triomphante (a partir des années 60).
Très tôt bercé par les mélodies enjouées du fameux trovador Sindo Garay, Compay enregistre son premier succès à l’âge de quinze ans (Yo vengo), avant d’inventer l’armonico, son instrument fétiche (trois doubles cordes et une septième qui multiplient les possibilités rythmiques et mélodiques), un instrument qui emprunte à la fois au tres (« tresse ») cubain et à la guitare espagnole. Génie reconnu, ensuite oublié, puis remis au goût du jour dans son propre pays par le hasard de l’Histoire et par l’acharnement de quelques fabuleuses rencontres, Compay (ex-rouleur de cigare) prouve, si besoin était, avec cet album, que la musique conserve. Voix, guitare, contrebasse et maracas, un peu de simplicité et beaucoup de classe, un doigté et une maturité dans la composition, un respect fidèle à la tradition orientale du son (il est originaire de Siboney, dans la province d’Oriente) mais qui reste peu englué dans les méandres du classicisme rouillé que l’on réchauffe à tout prix : voilà tout le secret d’un succès qui nous laisse le souffle coupé. Sans exagération aucune, s’il vous plaît…