Une musique planante qui ne distribue pas que des petits poèmes… Voilà ce que donne le groupe Clouddead lorsqu’il touche sa cible. Plutôt bon tireur, Clouddead arrive une fois de plus à poser ses jalons mirifiques sur ce tout nouvel album. Pourtant, la première écoute de Ten laisse un peu pantois. Mais après plusieurs plages en mode « repeat », on plonge dans leur musique avec déraison… A coup de textes étranges mais curieusement pas si familiers, le trio reste étranger à la foultitude d’artistes qui les entourent. Ils sont « étrangers ». Ils sont inhabituels. Prenons Dose One. Poète fracassé toujours en recherche de phases terminologiques et d’extases verbales, il monte très haut, se drogue principalement avec le mot : « High School picture day in L.A., someone in the sky with diamonds, and you go back to bed with a dead dog in the head. Two perfects strangers carrying a ladder, you can tell their strangers, chasing themselves in the window of shops. How can I be you lover when you sport a head of rubber ? Sucker… You can’t take applause to bed with you. I’ve got my own blood and a recent depression line. And if then we said fuck you in our pop song ». C’est vers Dose que nombre de projecteurs se tournent sur Ten. Même si les textes ont été écrits en communauté. Une communauté qui sait, de temps à autre, analyser et canaliser ses dépressions et sa joie, sans pour autant réussir à vivre de façon raisonnable. Une communauté riche en émoi et en contrecoups. Clouddead est un groupe important. Leur musique est douce et suave. En témoigne leur premier album éponyme qui essaimait une sève impressionnante (vieillissant comme une très bonne cuvée).
Les tord-boyaux musicaux de Clouddead sont parfois des petites liqueurs, parfois des vins dont les cépages sont chaleureusement soignés, arrosés avec amour. Ils tordent le ventre de diverses manières. On ne peut forcément pas vivre d’Amour et d’eau fraîche. Ils se réincarnent donc quelquefois en eau-de-vie. La vie et l’eau et quelques gouttes d’amour (de temps en temps). Cela semble leur suffire lorsqu’ils accomplissent des romances… Cependant, l’Amour étant particulièrement capricieux chez ces laborantins, on assiste également à la naissance de mauvaises herbes. Mais pas celles qu’on a envie d’arracher, plutôt celles qu’on estime pour leur pouvoir et leur caractère troublant, leur action sur la vie. Sans mauvaises herbes, les belles plantes auraient moins d’éclat. Les mauvaises herbes sont généralement des mort-vivants. Des mort-vivants qui rappellent aux vivants qu’ils existent. Et tous marchent sur la même route. La route est longue. Long is the way… Clouddead accélère sur la chaussée, puis ralentit, glisse sur une flaque d’eau puis fait de l’auto-stop avec le hip-hop, pour ensuite s’arrêter pour aller bouffer une frite au tofu. Après avoir digéré, Clouddead marche aux côtés du folk et de l’electronica, puis prend un champignon pour grandir comme Alice. Clouddead réclame ensuite son champignon pour raccourcir ses jambes. Il ne les trouve pas. Dose One cherche, Why ? se prend un rail d’hyperonymes. Odd Nosdam cherche ses pieds, aussi, pour pouvoir continuer à marcher.
Tout au long de l’album, ces caméléons éraflent les rythmiques, se distraient avec leurs machines pas toujours heureuses, ses samples sales mais attirants, macule les sons de fracas scandés à l’envers… Ce nouveau disque de Clouddead rassure et apaise. Why ?, Nosdam et Dose nous pondent un opus chargé de titres troubles, sinueux, emplis de récités oniriques et de litanies scrutant les Pink Floyd des 70’s. Un très bel album, qui se marie parfaitement avec son successeur. Ne manquez pas ces trimardeurs cosmiques, car ils avancent avec malice, se cachent dans des abris anti-atomiques en bois, des pièges à rat, des voitures mal garées, des trous de castor. Ils bouffent des sandwichs antibactériens. Ne passez pas à côté de leur musique inclassable.