L’herbe est-elle plus verte lorsqu’on est DJ se demandaient Tjinder Singh et Ben Ayres, alors que leur petit Cornershop devenait un hypermarché de la pop ? Ils sont allés voir par eux-mêmes, via Clinton, le tandem qu’ils ont fondé il y a 5 ans, auteur de quelques maxi en édition limitée, comme il se doit. Qu’on se le dise, Clinton n’est ni le petit frère nécessiteux de Cornershop, ni un passe-temps pour façonneurs de tubes désœuvrés. C’est seulement la face dance de ses deux créateurs, ce qui ne signifie pas futile à leurs yeux. Il y a, naturellement, des points communs entre les deux combos, ne serait-ce que dans le son -on reconnaît facilement la voix de Tjinder Singh- ou dans deux-trois incursions du côté de la musique indienne, mais hormis ces détails, Clinton trouve bel et bien son identité au long des douze morceaux qui composent Disco and the half way to discontent.
Le coup de force de ce disque n’est pas de donner envie de bouger, mais de faire apprécier la musique à danser aux allergiques du genre, y compris à ceux que le retour du disco ou l’avènement de la techno ont terrassés d’horreur. On imagine Ben et Tjinder se gratter la tête, analysant les origines du disco et ses racines, disséquant le genre pour se l’approprier et le transformer en autre chose qu’un boom-boom abrutissant. Ça commence donc par un People power in the disco hour syncopé comme il faut, compilant avec méthode tous les tics et maniérismes du style : il y a des répétitions, des chœurs féminins chauds et sexy, une boite à rythme martelant du binaire. Le tout distordu et passé à la moulinette Clinton, accompagné de paroles engagées (gentiment quand même). Même esprit pour Saturday night and dancing, joué sur un orgue électronique à la rythmique bon marché préprogrammée. Enfin, c’est ce que les deux lascars aimeraient nous faire gober…
Les clichés du samedi soir épuisés, ils s’offrent une tranche de musak de science-fiction (Hip hop bricks) à grands coups de vocoder et de gadgets qui font bip. Puis les Clinton mélangent funk, hip hop et scratchent un peu. Ils retrouvent -parfois dans l’inégalité- le chemin de la dance métissée de sonorités indiennes, samplent en français dans le texte et, tout en faisant s’agiter les masses laborieuses sur les pistes de danse, balancent des invitations à la révolution et à la prise du pouvoir par le peuple. Tout comme Cornershop, trop vite relégué au rayon pop joyeuse sans cervelle, Clinton sera peut-être condamné à l’incompréhension. Ils se consoleront d’avoir rempli au moins une partie de leur rôle social : celui de transformer qui les écoute en John Travolta… au temps de Saturday night fever !