Après quelques plombes d’électro-disco, sur lesquelles deux isolés au centre de la piste remuent avec courage, le groupe paraît sur une scène jonchée de débris arty : trois filles, attifées d’un rapiéçage de coupures de presse photocopiées en A3. La dégradation progressive de cet emballage révélera une seconde couche de robe, patchwork précaire de Skaï multicolore.
Les Chicks hurlent en play-back sur des instrumentaux ineptes et punkisants. Toute l’affligeante quincaillerie do-it-yourself qui les entoure ne parvient pas à distraire de l’énergie qu’elles dégagent. Chacune semble faire l’objet d’une combustion différente. A gauche, une immense blonde trépigne avec exaspération. A droite, une petite blonde se concentre sur le tripotage d’un bouton dont on ne voit vraiment pas ce qu’il commande, tandis qu’au centre une brune à la peau blanche parait bouillir de honte.
Après une révérence à Stock, Aitken & Waterman, elles scandent sur un échantillon de métal qu’ »elles se tiennent sur le devant d’une scène mais ne jouent pas de guitare ». Le bordel parvient à son faîte lorsque la sono lâche. Avec un aplomb aberrant, les poules tentent d’en profiter pour vendre les bibelots qui constituent leur décors. Par chance, l’amplification se réveille et les contraint à hurler derechef. Le ton se durcit. De sèches rythmiques binaires pulsées par des basses bourrines suscitent un semblant de pogo. La géante énervée s’y mêle instantanément. Un rappel à base de halètements est râlé dans la confusion. Pour clore le spectacle et sur l’insistance du public, les poules montent d’un cran dans la fumisterie en se tenant au garde à vous pendant le défilement d’un instrumental ambient assez rude. Torché.
On jubile et on se demande : pourquoi tant de plaisir à une telle escroquerie ? Ces gonzesses relèvent plus de Sigue Sigue Sputnick ou des Spice Girls que des Slits. Oui, mais des Spice Girls autogérées. Le mouvement punk aura stimulé le commerce des signes de l’authenticité. Il est logique qu’en réaction les vrais punks s’approprient authentiquement les signes de l’inauthenticité. Et qu’un girl group en free lance organise lui-même des show-cases en play-back pour la promotion d’une musique sous-traitée par des musiciens de studio. Et qu’il en profite pour vendre tout un fatras de merchandising délibérément merdique ! Et qu’il prétende en plus tous nous sauver !