Nathalie Stutzmann (contralto), Inger Södergren (piano).
Coincé entre Franck (le mentor), Fauré et Debussy, le précoce Ernest Chausson n’a jamais vraiment eu toute la reconnaissance publique qu’il méritait. Publiant, à 27 ans, et dans l’indifférence la plus complète, son premier recueil de mélodies -et d’entrée, sept chefs- d’oeuvre, sept admirables compositions qu’il faut ranger aux côtés des plus grands cycles de ses illustres contemporains.
Grand bourgeois, certes, plus enclin à contempler ses Degas, Corot et autres Renoir qu’à la vie de bohème, délicat, esthète, qui mieux que Chausson -et son oeuvre- représentent l’esprit français de la fin du XIXe : le destin, d’ailleurs, ne lui donnera pas le loisir de franchir le cap du nouveau siècle…
Compositeur primordial, dont on ne se lasse pas d’écouter tout ce que sa courte vie lui permit d’écrire, du symphonique (entendez le Poème par Kogan !) à l’oeuvre chambriste (Barbizet et Ferras, chez EMI, restent insurpassés, et tout ce disque est essentiel), jusqu’à ces mélodies, donc, que l’on ne cesse pas de réexplorer depuis quelques années.
Et quand ce sont des artistes de la trempe de Stutzmann qui s’y collent, qui s’en plaindra ? On connaissait ses admirables Fauré et Schumann, il faudra y ajouter désormais ses Chausson au ton parfait, au timbre profond, sensuel et chaleureux. Sans doute la trouvera-t-on encore plus à son aise dans Les serres chaudes -dont on tient enfin LA version moderne- que dans l’opus 2, un rien maniéré. Merveilleuse présence de la pianiste suédoise Inger Södergren, en qui la contralto française a retrouvé l’accompagnatrice complice que fut autrefois Catherine Collard.
Baroqueuse accomplie (elle chante en ce moment l’Orphée de Gluck sous la direction de Brüggen*), récitaliste d’exception, Nathalie Stutzmann suit discrètement sa voie naturelle -celle des plus grandes, la voie royale.
* Opéra national de Lyon, du 1er au 14 février. Renseignements : 04 72 00 45 45