Mondkopf, vous avez créé un live avec le collectif visuel Trafik. Est-ce une manière pour vous de tisser un lien entre musique et arts visuels ou émotions visuelles ?
M : À la base, je ne suis pas très amateur des lumières de scène. Je crois que je préfère un concert dans le noir total plutôt que d’avoir des lumières de toutes les couleurs qui se baladent, surtout si elles sont en décalage avec la musique. Mais comme j’aime aussi tout ce qui touche à l’image ou aux visuels, j’essaie d’en incorporer dans ma musique, pour lui apporter une dimension supplémentaire. L’idée étant que ça cela reste assez abstrait pour laisser de la place à l’imagination, que le live reste un pur moment de décrochage de la réalité. On peut penser que la musique se suffit à elle-même, mais j’aime trop les images pour ne pas en utiliser.
Charlemagne Palestine, vos performances naviguent entre rituel et installation : vous apportez tout un environnement physique et visuel avec vous. Ce lien entre votre musique et les arts visuels, la sculpture notamment, est-il particulièrement important ou significatif pour vous ?
CP : Comme vous le dites, mes performances relèvent à la fois du rituel et de l’installation, j’apporte avec moi tout un environnement visuel et physique afin de relier les arts visuels, la sculpture, l’installation, la performance,,,, c’est pour ça, comment tout cet ensemble serait-il minimal??? c’est plutôt « total » qu’il faudrait dire.
Votre collaboration à Sonic Protest sera-t-elle complètement improvisée, ou un peu écrite tout de même ? Est-ce que vous répétez, ou jouerez-vous au débotté ? Comment en êtes-vous venus à être en phase l’un avec l’autre ?
CP : Pour le concert de la Carrière de Normandoux, nous n’avions absolument pas répété,,, à peine un sound check,,, avant la performance,,, cette fois nous avons trois jours à passer ensemble,,, aucune idée de ce qu’on va en faire,,
M : Notre live sera un peu de tout ça. De mon côté, je prépare un set-up pour être a l’aise avec la musique de Charlemagne, et apporter quelque chose en plus. On va répéter / improviser ensemble sur plusieurs jours avant le concert. Ces séances sont assez courtes en général, mais ça suffit à ce se mettre en phase avec lui, et à développer mon propre scénario à l’intérieur de ses improvisations de piano / voix / field recordings.
Que voulez-vous faire de ce concert ?
M : Je tiens vraiment à être en harmonie avec sa musique. Je ne veux pas que ce live ressemble à deux artistes qui font leur musique habituelle, sans s’écouter.
CP : Pour moi,,,, miiiiieux que le meilleurrrrr,,, pirrrre que le pirrrre,,, au meilleurrrr sens du terme !!
Qu’a apporté votre collaboration passée à vos musiques respectives ? Allez-vous simplement réitéré votre collaboration selon les mêmes termes ou allez-vous tenter de la poussez plus loin ?
CP : Je ne me souviensss pas de ce que nous avons fait,,, dooonc rien à réitérer,, juste vivre, voir, entendre dans le moment présent,, c’est ce que je fais en généraaal et c’est ce que je ferai pour Sonic Protest.
M : Ce live à Poitiers, c’était le premier live où j’ai utilisé ma voix. Depuis, j’adore crier dans un micro ! C’est l’étape ultime de la catharsis que peut apporter une performance live. Pour ma part, ma musique a pas mal évolué depuis ce premier live ensemble. J’ai aussi plus de machines analogiques qu’avant, et je compte bien les utiliser pour Sonic Protest, ça ne risque donc pas d’être une redite.
Mondkopf, vous avez souvent dit que votre musique était une façon d’en apprendre davantage sur ses propres émotions. Charlemagne Palestine, on pourrait penser que votre musique a une dimension plus cérébrale. Comment faites vous se rejoindre ces contraires quand vous jouez ensemble ?
M : En s’écoutant, j’imagine. Une musique réellement transcendantale et cathartique doit de toute façon intégrer ces deux aspects.
CP : Ma musique n’est pas plus cérébrale que celle de Mondkopf,,,, juste un style différent,,, si les auditeurss sont cérébrauxx, peut-être perçoivent-ils une attitude cérébrale,, qui n’est pas mon intention,,, et c’est la première fois que j’entends le terme de « cérébral » à propos de mon travail.
Comment tirerez-vous parti de l’espace spécifique de l’église Saint-Merry ? Avez-vous l’intention d’utiliser l’acoustique et l’écho de l’église à votre avantage ?
CP : J’ai commencé dans des églises et des synagogues,, en ce qui concerne mon travail et son exécution, j’ai toujours adoré l’écho et les propriétés acoustiques d’un lieu,,, donc j’attends beaucoup de cet aspect de notre collaboration,, même si nous répétons dans un espace bien plus sec, les Instants Chavirés.
M : Charlemagne travaillant la répétition à partir de sons qui se prêtent bien à ce contexte (piano, voix, field recordings), il ne devrait pas trop avoir de problème avec l’acoustique. Pour ma part, ça va être plus compliqué, mais j’ai prévu de m’adapter. En même temps, j’y ai vu Merzbow et la sonorisation était parfaite, donc j’ai quand même des chances de pouvoir me lâcher sur les fréquences.
Charlemagne Palestine, vous avez commencé comme carillonneur à l’église Saint Thomas de Manhattan. Mondkopf, quant à vous, vous utilisez souvent des cloches dans vos morceaux. Y a-t-il pour vous une signification de la cloche ? Est-ce que pour Sonic Protest, dans cette église, vous allez vous retrouver autour de cet aspect-là ?
M : Je crois que ça vient juste de l’amour de ce son. Il est pur, il peut être puissant aussi bien que délicat. J’aime la dimension dramatique que des cloches peuvent apporter à une pièce. Il suffit d’écouter le Miserere d’Arvo Pärt ! Je n’ai pas de vraie cloche chez moi, mais cette question me donne envie de trouver un moyen d’en utiliser.
CP : Généralement, j’ouvre mes rituels avec deux verres,,, dernièrement je les entrrrechoque comme des cloches,,on verrra bien et on entendrrra bien si, tous deux, nous acquiescooons au DingDong ou si nous le refusoooons !!
Vos travaux respectifs explorent la dimension rituelle, spirituelle de la musique, mais avec des moyens très différents, des grammaires sonores presque opposées. Pensez-vous que vos lexiques musicaux respectifs seront complémentaires ?
CP : C’est vous qui nous dirrez s’ils le furrent ou noon.
M : Je ne crois pas apporter quoi que ce soit à Charlemagne, mais je sais que sa musique peut me servir de chemin pour faire évoluer la mienne.
Charlemagne Palestine, vous êtes un contemporain de Phill Niblock, Terry Riley, Steve Reich, Philip Glass, autant de musiciens qui ont beaucoup compté dans le parcours musical de Mondkopf. Jouer ensemble, est-ce transmettre un héritage ?
CP : Écoute le préseeent,,, joueee le préseeent,,, agis avec le préseeent,,,, c’est tout c’qui compte !!!! Ce qui est fait est fait,,, le passé appartient au passé,,,, owww is nowww and wowwww is wowwww!!!
En concert dans le cadre de Sonic Protest
CHARLEMAGNE PALESTINE & MONDKOPF
THOMAS BONVALET & JEAN-LUC GUIONNET
PHIL MINTON’S FERAL CHOIR
MERCREDI 8 AVRIL 20h
ÉGLISE SAINT-MERRY / PARIS
76, rue de la Verrerie, 75004 Paris
14€ (prévente + frais de loc) / 17€ (sur place)
Avec la complicité des Instants Chavirés, la Muse en Circuit et In Paradisum