Le tango raconté à ma fille… Le saviez-vous, que cette musique fut nègre ? Peu de gens connaissent cette histoire qui remonte aux temps de l’esclavage, lorsque les fils des déportés d’Afrique en Argentine se mettent à fusionner les musiques rituelles ramenées du continent (le Candomblé) avec les nouvelles influences qui leur arrivent de Cuba et du Brésil (la Havanera et la Milonga). C’était au XIXe siècle. Buenos Aires était encore ville noire. Les gringos ne faisaient alors que singer la danse qui venait des ghettos afro-argentins. Depuis, les données ont changé. Le tango, au contact des vagues d’immigration européenne, est peu à peu devenu cette musique de salon, supposée plus blanche que noire, sauf peut-être à Montevideo (non loin de là, en Uruguay, de l’autre côté du Rio de la Plata). Ceux qui savent disent qu’il y eut un effet de complexe métissage à l’envers. Du noir, on a viré au blanc.
Taraudé par la notion de mémoire, Juan Carlos Cacérès, qui vit en France depuis de très longues années, a tenu à rendre hommage à ce phénomène. « On peut déplorer, écrit-il, que dans le tango, tel qu’on le connaît actuellement, ne soit plus émaillé par la présence des noirs, corollaire funeste de leur disparition physique pur et simple ». Car « seul subsiste le souvenir nostalgique de leur passage qui imprègne encore le vieux Buenos Aires ». Voix rauque et enjouée, cordes et bandonéon… le tout est enveloppé dans un tissu d’envolées percussives censées nous faire remonter à travers le temps. Egalement peintre et historien de l’art, Cacérès a signé parallèlement à cet album une expo à succès remontant aux mêmes sources.