Bon, restons calme. Enfin, un nouvel album de Brian Wilson avec seulement -ou presque- de nouvelles chansons. Dix ans que l’on attendait ça, depuis Brian Wilson, l’album. C’est bien sûr avec la sueur dans le dos que l’on pose l’objet dans le tiroir, dans un état d’esprit mêlé de crainte, d’attente et d’espoir incertain. On avait lu les premières impressions offertes sur le Net par quelques petits veinards et les avis étaient on ne peut plus partagés. Donc, le mieux est de s’en remettre directement à soi, à sa relation avec le génie grillé des Beach Boys. Autant dire que les sentiments que donne le premier titre sont plutôt positifs. De très belles harmonies vocales surplombent des arrangements d’un classicisme tout wilsonnien.
La voix du vieux garçon de plage est celle que nous connaissons désormais depuis son premier album solo, roquailleuse et torturée. Your imagination nous emballe avec ses trompettes bouchées. C’est certain, ce titre sera un tube (comme Lay Down Burden) si le public fait preuve d’un peu de curiosité. She says that she needs me nous plaît aussi grâce aux cordes et aux bois très bien arrangés mais la batterie est digne d’un gros bourrin de hardos. On aurait espéré un peu plus de finesse. En fait, le problème est qu’au bout de deux couplets (pendant le pont), nos oreilles semblent comme meurtries par une grave incertitude : ces instruments, sont-ce de vrais instruments ? Apparemment, non ! A partir de South american, ça se gâte… et pas qu’un peu !
Imaginez un groupe composé de ce gros rougeot de Brian Adams, des revenants Hall & Oats, du désormais mauvais Sting (Sunshine est piquée à son Dream of the blue turtle) et, au hasard, de Rod Stewart ou du gringalet nouvellement retraité Billy Joel. Bon, j’arrête le cauchemar. On n’est pas au Far West quand même ! Si la production n’était pas aussi « American FM », on pourrait tirer quelque plaisir de ces chansons, mais par moment, c’en est trop. La version du classique Keep an eye on summer, par exemple, est presque insuportable tant la production nous rappelle Dire Straits (les guitares de la pourtant jolie Lay down burden aussi) ou un de ces groupes de merde calibrés pour les Amerloques en grosse caisse sur la Route 66. Ecoutez le break notamment, avec ses synthés de débutant et sa batterie. Mais virez les batteurs que diable ! Brian Wilson aurait-il perdu définitivement l’ouïe ? Va-t-il encore longtemps s’acoquiner avec ces co-auteurs de bal ?
Heureusement que Cry et la reprise de Let him run wild (injection de circonstance concernant les morbacs qui figurent sur ce disque) nous renvoient dans un passé pas si lointain, au superbissimement renversant album sorti à l’occasion du documentaire I just wasn’t made for these times (1995, MCA en Import). Et puis, enfin, il y a Happy days (« are here again »), dont on ne dira jamais assez que c’est le nouveau chef-d’oeuvre de Brian Wilson, tout seul (et enfin tranquille) à l’écriture (quand donc l’a-t-il composée ?), au chant et aux claviers. Enfin, une symphonie à la hauteur de son génie (les premières mesures renvoyant, sans passer par la case « départ », à Pet sounds).
On se sera tapé quand même presque trente minutes de musique pas bonne du tout avant ce joyau dissonant à souhait. Et ces harmonies vocales, sax, clavecin qui nous renversent et nous foutent des frissons dans le dos et nous tire la larme à l’oeil comme Caroline, no à la grande époque. Notre verdict : 1 pour l’album, 3 pour Your imagination, Cry et 5 pour Happy days !!! Rien à ajouter.