D’abord, un avertissement : JB Hanak est un ancien pigiste de Chronic’art (Cinéma et Musique). Pas facile de ne pas être accusé de manquer de déontologie lorsque l’on chronique les travaux d’anciens collaborateurs du mag (on ne parle jamais d’actuels collaborateurs, ou bien en « actu » uniquement pour les coups de pouce mérités). En même temps, on ne voudrait pas se priver pour cette seule raison, si le travail est intéressant, s’il suscite réflexion ou simplement envie d’écrire. Par ailleurs, pourquoi fixer quelqu’un -un talent potentiel et évolutif- dans une identité passée, dont il ne pourrait plus se détacher (JB Hanak n’est plus chroniqueur dans nos pages). Ce disque sort confidentiellement sur un label respectable, et c’est un bon disque (il a les qualités de ses défauts, comme on dit). Pour toutes ces bonnes raisons, nous considérons qu’il mérite d’être chroniqués dans nos cyber-colonnes.
JB Hanak, donc, deuxième moitié de la fratrie duale dDamage, « droppe » son album solo electro sur la structure viennoise Angelika Koehlermann, le beau label de Gerhardt Potuznik (on y a notamment écouté les douées Chicks On Speed et Michiko Kusaki). Slacker sensible tendance jackass, Boulder dDash fait de l’electro comme un jeu vidéo, enchaînant les mini-tubes lo-fi comme autant de niveaux de jeu (je). Un peu Donkey kong (Boulder dDash singe et chinze), un peu prolo (Boulder dDash est héros prolo, comme Super Mario), un peu Ween (voix ralenties et beau n’importe quoi), un peu Hypo (musicien français iconoclash et partenaire de jeu sur un futur album, cité à tour de beats).
Boulder dDash cite autant ses influences electro (Hypo donc, mais aussi Olamm, Anne Laplantine, dont tout un morceau est ici samplé, ou les incunables Warp dans les coins), que ses références ado (le grunge de Nirvana, Lou Barlow, Butthole Surfers, le shoegazing saturé de My Bloody Valentine) ou ses souvenirs mainstream (le Push it de Salt’n Pepa sur This one goes out to the cat). Le goût est fait de mille dégoûts comme disait l’autre. Le bon goût est aussi fait de mauvais goût, ajoutera-t-on devant cette performance de destruction sensible, de pollution re-créative. Entre private-jokes (autour du microcosme parisien electro : incursion, intrusion, incrustation d’une communauté entourante et amicale, inédit encore sur un album electro français) et allusions idiotes (l’objet est idiot au sens noble du terme : inventeur d’un monde singulier), JB Hanak détruit-reconstruit ses objets de fascination avec un tact inédit, sorte de Midas rouillé usant de filtres et presets pour tordre ses mélodies, crader ses sons, complexifier sa simplicité. En résultent quelques pics (ur.so, en duo avec The Very Ape, comptine cheap amoureuse) et gouffres (on ne les citera pas, question de points de vue).
Si l’oralité n’est pas absente de cette entreprise jouisseuse et régressive (JB Hanak chante en douceur des folks songs détunées : Chair), Boulder dDash serait sans doute diagnostiqué « anal » par la psychanalyse : construction autour du déchet, production dans le rejet, mise à jour des fondements et concomitances destruction-création, fascination-répulsion. Sans jouer avec les mots, on lui pronostique réalisation personnelle dans cette entreprise (il ne sera pas le premier, ni le dernier). Le Boulder dDash est une identité attachante, animal sensé (freak), étrange (alien) et trash (trash). Longue vie à une nouvelle espèce.