Boina Riziki et Soubi, authentiques musiciens, font partie d’une génération d’artisans du son qui tentent bon an mal an de perpétuer une pratique instrumentale et un répertoire de chants traditionnels situés loin de la modernisation parfois sauvage, opérée durant ces trente dernières années dans la musique comorienne. Auteur-compositeurs, ils puisent leur inspiration à la fois dans les contes populaires et les mythes modernes. Leurs voix atypiques murmurent les angoisses de leur peuple, chantent l’amour, racontent les Comores d’hier et d’aujourd’hui. Leurs textes, construits sur un modèle d’improvisation parfaitement maîtrisé, se distinguent par l’humour qui les accompagnent. L’interprète aligne un premier phrasé connu, le chœur le reprend en refrain, la suite se veut moins linéaire, bien que la base rythmique soit toujours la même sur un même morceau. Les airs joués sont souvent issus du répertoire des danses populaires (mgodro par exemple). Il semble que certains rites liés à la possession aient fréquemment fait appel à ce genre, qui existe à Mohéli (son île d’origine), Anjouan et Mayotte sous des formes plus ou moins différentes.
Traditionnellement, la musique de Boina Riziki et de Soubi, festive et légère, se joue au minimum à trois personnes, à cause des instruments utilisés. Ndédzé, gabusi et m’kayamba. Occasionnellement, chacun de ces instruments peut permettre une interprétation en solo du répertoire. Par ailleurs, il arrive que la percussion y soit conviée. A l’occasion d’une ambiance survoltée qui en appelle notamment au public proche. En produisant cet album, Dizim Records, jeune label allemand, après avoir brillé par son travail avec l’Afrique de l’est, Zanzibar notamment, permet à une musique très peu connue sur la scène internationale de voyager au-delà d’un archipel, qui, aujourd’hui, est en proie au séparatisme et aux déchirements politiques, malgré son unité culturelle apparente. C’est aussi une musique peu valorisée par ceux qui la pratiquent, faute de moyens. Un excellent travail de découverte.