Sorti le 11 mars dernier, le film de Clint Eastwood a été, comme c’est souvent le cas maintenant, précédé de cette bande originale d’une sublime beauté. Sous-titrée « A Johnny Mercer Songbook », le disque réunit quelques unes des plus belles mélodies sur lesquelles ce brillant auteur (1909 – 1976) apposa ses poétiques paroles. Certes les anthologies de ses chansons ne sont pas rares : nous avons déjà pu goûter au plaisir de la voix d’Ella Fitzgerald (réédition chez Verve en 1991) et de celle d’Eileen Farrel (chez Référence Recordings, 1991) notamment. La particularité ici, c’est qu’une partie du casting -ainsi que le réalisateur lui-même- s’est collé au périlleux exercice de la reprise en sachant qu’aucun d’entre eux n’avait d’expérience dans le domaine.
Et c’est la grande et excellente surprise ! Tous sans exception font la preuve de leur maîtrise des techniques de chant. Ainsi, entouré de quelques pointures du monde du jazz (que Clint Eastwood connaît bien, puisqu’il a dirigé Bird, biographie magistrale de Charlie Parker) telles que Cassandra Wilson (pour un Days Of Wine And Roses tout en douce retenue), le revenant Tony Bennett (au meilleur de sa voix de crooner sur le célèbre I Wanna Be Around issu d’une session de 1962) ou l’incontournable ténor Joshua Redman (présent sur trois titres en sideman et en front sur le titre extrait de Rio Grande, I’m An Old Cowhand), les acteurs Kevin Spacey (dont on reconnaît l’élasticité de la voix, déjà relevée dans les films, sur le standard That Old Black Magic), Alison Eastwood (dont on rêve de la voir continuer tant son chant est suave et sexy sur Come Rain Or Come Shine) et le grand Clint qui suit sa fille sur un très swingant et non moins bégayant et grave (puisque c’est Mercer qui l’avait voulu ainsi) Ac-cent-tchu-ate The Positive n’ont rien à envier aux interprètes qui se joignent à eux comme Alison Krauss (This Time The Dreams’s On Me susurré dans le voile de son souffle), Joe Williams (un classique mais très joli Too Marvelous For Words), Rosemary Clooney (ah Rosemary et son guttural vibrato ! pour Fools Rush In) ou Kevin Mahogany (Laura rarement si bien soutenu hormis la grande Ella).
Mais les deux joyaux de cette B.O. demeurent -autant pour la composition et le texte que dans l’interprétation présentée ici- Les Feuilles mortes de Prévert et Kosma (Autumn Leaves par Paula Cole) et le sublissime Skylark de K.D. Lang qui n’a jamais aussi bien posé sa voix même sur ses propres notes. Avec ce dernier titre, une nouvelle référence est née et elle accompagne un film qui est un chef d’œuvre !