Groupe de pompeurs. Stephen Malkmus serait bien inspiré de demander des droits sur Helicopter, qui plagie sans vergogne la ligne de basse de son single proto-new-wave Dark wave. Le pauvre Stephen n’a jamais eu, même du temps de Pavement, la moitié de la couverture médiatique dont bénéficient les Bloc Party aujourd’hui, et c’est bien regrettable. On ne fera pas le coup de la nostalgie réac qui considère toute nouveauté comme tributaire d’une tradition ou d’anciens plus inspirés. Simplement, Bloc Party n’a tout de même pas une once d’originalité et fait de la musique comme d’autres font du name-dropping. Le chant de Robert Smith, les lignes de basse de Gang Of Four (et de Stephen Malkmus !), l’électricité de Wire : le tout empaqueté et pesé en une intense débauche d’énergie qui poursuit le travail de sape entamé par toute la vague post-post-punk de l’année dernière (The Rapture en tête de gondole, Radio 4 en cousins américain, Interpol, aussi largués) ressemble un peu à la réponse anglaise à la vague new-yorkaise, mais avec bientôt deux ans de retard. De la vague, il ne reste que l’écume, et les petits Anglais sont bien obligés de faire dans la surenchère pompière pour rattraper le train en marche (en bout de course). Dès lors, sur une prod’ propre et lisse, la batterie mouline comme Keith Moon n’a jamais mouliné, en foultitude de beats syncopés et contre-pieds démonstratifs, aussi vains que laids, tandis que les morceaux partent évidemment dans tous les sens, hagards, chaque changement de tonalité, chaque rupture de tempo (rock-disco-rock-disco) ressemblant à une fuite en avant de plus en plus désespérée, camouflant sous la débauche d’effets le manque flagrant de contenu (où sont les chansons ?), sous le bruit, un grand silence. Evidemment, de tels déhanchements feront leur petit effet de vanité le temps d’une saison sur les pistes dance-rock. Et après ? Il n’y a rien à gagner ici. Le rock est mort, Bloc Party en est la parfaite démonstration.
Dans le même genre (le rock ne serait-il donc pas mort ?), on préfèrera de beaucoup ici (peut-être parce qu’on est très snob) le post-punk de Panico, groupe franco-chilien signé sur Tigersushi. Parce que quand Bloc Party zigzague comme un groupe épileptique, Panico va tout droit au but. Enfonçant les clous sur un rythme métronomique nourri au speed et au fuzz, la bassiste Caroline appuyant sur le champignon de sa Big Muff tandis que résonnent sur le trajet les stries concrètes des passants et des architectures laissés en bord de route, Panico file droit, entre autoroute krautrock et variations post-punk. Saturations, sons bien crades, réverbérations garage, invectives en espagnol : produit en beauté par Joakim et Cristian Vogel, Subliminal kill détourne Dj Spooky, et respire autant la vieillerie new-yorkaise que l’actualité électronique la plus chaude, à coups d’inserts bruitistes, de nappes Eno-esques ou d’editing laptop. Le tout sonne à la fois rétro-futuriste et diablement spontané. Entre un hommage à Iggy Pop sur Iguana et la remise au goût du jour d’un classique mambo de Perez Prado (Lupita), Panico aligne rock, noise, funk, punk, garage, sans aucun souci d’évidence, anti-commercial dans ses répétitions autant que dans ses digressions, parfait d’intransigeance et de fanatisme pour les formes anciennes. Le tout gonflé par une légère hype underground, rend ce groupe éminemment sympathique, à rebours du retour du rock calibré FM, parfaitement snob, parfait pour les snobs.