Annoncé par le tubesque These are the thingsau mois de février, ce troisième épisode des aventures de Black Box Recorder a donné l’eau à la bouche à plus d’un d’entre nous : un groupe comme Pulp, pour ne citer qu’eux, court encore après cette formule de l’excellence pop que Jarvis Cocker semble avoir perdue depuis plusieurs albums. De son côté, Luke Haines, toujours en vacances des Auteurs, a rôdé sa formule et John Moore, tout comme Sarah Nixey, ont maintenant un rôle prépondérant dans ce side-project ambitieux. Fort du succès de The Facts of life, le groupe semble vouloir ici enfoncer le clou du groupe subversif en utilisant toujours plus les méthodes du commercial et du mainstream pour faire passer ses dragées au poivre. Les vocaux de la belle Sarah Nixey sont toujours aussi troublants, dans leur forme comme dans leur contenu : en préambule de Passionoia, sur The School song, elle avertit les auditeurs de la façon suivante : « Destroy your record collection / It’s for your own protection ». Cet avant propos fait figure de rappel d’un désir de faire table rase récurrent chez Luke Haines, ce qui semble la moindre des choses quand on connaît sa fascination pour la question terroriste (souvenez-vous de l’épisode Baader Meinhof).
Cependant, malgré un début en fanfare, quelque chose ne fonctionne pas dans Passionoia : si les deux précédents albums emportaient la sympathie grâce à une formule bien ficelée et efficace, ce disque semble complètement tourner à vide. Tout d’abord, l’option résolument FM des sonorités n’y est pas pour rien : s’ils n’étaient pas signés par Black Box Recorder, qui écouterait jusqu’au bout des titres tels que Girls guide for the modern diva ? De plus, on aime ce groupe pour ces chroniques sociales acerbes qui mettent Luke Haines sur un pied d’égalité avec l’autre grand lyriciste anglais Mark E Smith. Or, sur Passionoia, Black Box Recorder change son fusil d’épaule et se focalise sur le business (Being number one) et le glamour (The New Diana). Le moins que l’on puisse dire est que ce terrain leur est moins propice et concerne un microcosme donc tout un chacun peut se sentir éloigné : c’est alors que l’on regrette l’étrangeté de Child psychology ou la majesté de The Art of driving. De ce groupe ne reste alors qu’une coquille vide, toujours très belle, mais vaine : l’imagerie est toujours aussi soignée -sur la pochette intérieure, Luke Haines ressemble de plus en plus à un nazi décadent et en déroute et Sarah Nixey à l’ultime escort girl. On ne retient de Passionoia que l’image finale, celle d’un cadavre flottant à la surface d’une piscine. Les circuits de la créature se déconnectent et le souffle se tarit. Qui réanimera le corps de ce monstre flamboyant qu’était Black Box Recorder ?