Originaires de Nottingham, le duo Bent est composé de Simon Mills et Nail Tolliday. Après plusieurs maxis sortis sur le label Sunday Best, ces deux gais-lurons sortent leur premier album : Programmed to love. Friands de samples absurdes et de stupidités infantiles technoïdes, ils émigrent ici dans les sphères groovy-moogy d’une l’electro kitsch empreinte d’une frénésie implacable.
Les deux british n’ont peur de rien puisqu’ils osent sampler Madame Nana Mouskouri (le très étonnant I love my man), transformée du coup en chanteuse trip-hoppeuse version Beth Hirsch (ne fuyez pas c’est du beau travail). En cherchant bien, on trouvera également une ou deux références à Elvis Costello. Bidouilleurs de talents, leur son est souvent comparé à celui du groupe Air. Mis à part Cylons in love, où l’on retrouve un vocoder très proche de celui utilisé par le duo versaillais dans Kelly watch the stars, la proximité s’arrête là. En fait, on ne sait plus trop ou donner des oreilles avec Bent, ces deux histrions technoïdes s’égarent un peu partout sur la planète kitsch.
C’est cependant avec emballement qu’on déguste les synthés bouillonnants et les mélodies alléchantes de Bent, qui se baladent gaiement dès l’ouverture de l’album sur le manège enchanté d’Exercice 1. Avec Private road, le groupe britannique balance un trip hop soigné, fardé de guitares diverses et entrelacé de synthés bigarrés. Sur Swollen, la délicieuse voix de Zoe Johnston, soeur vocalique de Beth Orton, apporte une touche d’apesanteur captivante. Leurs synthés modulés, appuyés par une basse solide et des mélodies euphorisantes, font parfois penser aux tribulations énergisantes des français de Cosmodrome (Exercice 2). On trouve malheureusement dans ce premier opus des fioritures dont on se serait bien passées. Telle la sauce dance-music infecte de leurs I remember johnny, A Ribbon for my hair, et Always in my heart : trois daubes bardées d’horribles synthés carrefour et de vocaux sortis tout droit d’un mauvais feuilleton chinois. On aurait peut être aimé ça il y a dix ans sur une plage d’Ibiza, un petit exta dans le coin du nez… Mais revenons plutôt vers Butterfingers, petit cristal sonore très aérien, travaillé avec minutie et orné d’harmonies délicates. Un tel interlude prouve que les deux british passent du temps derrière leurs machines. Un travail toujours soigné, inventif, bariolé, divertissant, drôle parfois, qui s’inscrit dans la lignée d’une electro-pop jouissive et décomplexée que n’étouffent pas les piaillements des machines. A coup sûr, le Grand love story de Kid Loco se trouve quelque part dans leur collection de vinyles.
Sur l’un des meilleurs titres de l’album, Invisible pedestrian, on ne peut s’empêcher le rapprochement avec Add N To (X), puisqu’ils jouent analogiquement avec des nappes de synthés analeptiques et de gros breaks de batteries de manière très efficace. Sans oublier la multitude de petits c(h)oeurs rose-bonbon qu’ils essaiment à foison tout au long de Programmed to love. Un must de chez Excentrique Incorporated.
Malgré quelques fausses notes, on conseille ce disque à tous les night-clubbers qui veulent rajouter à leur petit déj’ un goût d’electro-pop sucrée-salée.