Pias a fait un gros travail de promo pour la sortie de ce premier album d’Avril : invitation des journalistes dans un loft immaculé du 10e arrondissement, champagne, tartes aux framboises, puis écoute collective au casque infra-rouge. L’occasion pour la gent journalistique de se retrouver entre quatre murs, de se jauger confraternellement du coin de l’oeil, de partager ses petits scoops (« Et le Dj Shadow, ça donne quoi ? », « Tu as écouté Lispector ? »), et de se sustenter à peu de frais. Ce qui, quand on connaît le prix de la pige, n’est certainement pas négligeable.
Tant d’efforts déployés pour défendre un disque qui n’en a pas vraiment besoin. Il se défend très bien tout seul. Suffisamment ambitieux et abouti pour faire l’objet d’une critique, et même d’une interview, tiens. Car Avril, jeune artiste parisien, entre deux parties de clubbing, est intéressant. Avec ce premier album, il rejoint un peu à la traîne la meute des mercenaires french-touch, affamée de succès internationaux, chantant en anglais pour un public mondialisé, cultivant sa pop-culture hors frontières et chapelles. That horse must be starving est un disque qui a cette démesure, le pouvoir d’attraction d’une culture underground mâtinée de désir d’universalité pop. Oscillant entre choeurs Beach Boys, granulaire electronica, basse Michaël Jackson, hommage à la club-culture (une reprise du classique French kiss, il fallait oser), un peu comme un version dance-floor de Radiohead (Avril chante d’ailleurs parfois comme Thom Yorke), motivée par la même envie de faire copuler expérimental et populaire.
Les compos sont du coup entre deux chaises, entre bon et mauvais goût, lourdeur et légèreté, calcul et sincérité : Avril pose des beats autechriens sur un chant à la George Michael, un vocoder sans finesse sur une onde mélodieuse, revisite les harmonies vocales des Beach Boys à la manière de Depeche Mode, fait son David Bowie sur Like everybody else, mangeant comme lui un peu à tous les râteliers. Faisant songer autant à Daft Punk ou Phoenix qu’à Mùm ou Boards of Canada. Avril est intéressant, donc, pour cette manière de marier le chou et la chèvre, de saboter avec talent ou de magnifier de façon apprêtée. Du coup, on écoute moins le disque pour ses mélodies tantôt laborieuses, tantôt gracieuses, que pour son côté post-moderne à tous crins, l’indigestion culturelle qu’il signifie, le produit qu’il représente.