Nouvelle production du génial duo Booth / Brown, curieusement présentée comme un Ep alors qu’il s’agit d’un disque de 60 minutes. Discrètement dissimulé sous une pochette noire et blanche, sobre et minimale (plutôt réussie) signée Designers Republic, Autechre prouve avec cet « album » qu’ils restent les maîtres incontestés d’une musique électronique abstraite qu’ils ont grandement contribué à développer. Onze morceaux qui reprennent leur formule habituelle (gardée secrète comme celle du Coca Cola) à base de rythmiques brisées, de mélodies infidèlement transmises et d’un fourmillement de sons divers. Quoi de surprenant ici ? La voix, lointaine, sur Ccec ; un retour bienvenu à l’émotion avec le magnifique Dropp (l’electronica, c’est la nouvelle pop, pas vrai ?) ; un clin d’œil à Squarepusher sur le nerveux Liccflii et à Aphex Twin sur le très long Maphive 6, réminiscent des Selected ambient works et aussi peut-être de Cluster (des nappes à tomber, des notes de cristal à se relever). Le titre 1 est aussi malsain que sale et dépouillé.
Vraiment, il y a quelque chose de pourri dans ces machines-là, ne bougez pas, on dirait presque qu’elles nous observent. Ça ne s’arrange pas avec Zeiss contarex, belle chose sonore malade comme une fleur en train de se faner, empreinte d’une tristesse et d’une gravité inhabituelles. Netlon sentinel commence par des bruits inidentifiables, inquiétants et drôles à la fois, derrière lesquels se cachent des mélodies mortelles : une merveille de malaise, comme quand on ne trouve pas le sommeil mais qu’on est épuisé. Ces quelques derniers morceaux révèlent des possibilités insoupçonnées chez Autechre (à chaque disque, le duo tend vers une abstraction plus grande, à la fois plus sage et plus tourmentée, en un mot plus adulte) et plus généralement dans cette musique. A l’écoute de ce disque, on se dit que décidément, oui, les machines ont une âme et qu’on les entend gémir de plus en plus fort. Terrifiant et fascinant à la fois.