Lester Bowie (tp, fgl, bass, perc), Joseph Jarman (anches, perc, synth), Roscoe E. Mitchell (anches, flute, perc), Malachi Favors Maghostut (cb, elb, melodica, perc), Famoudou Don Moye (perc). Enregistré en juin 1984 à Ludwigsburg (Allemagne).
En 1965, naît à Chicago l’Association for the Advancement of Creative Musicians (AACM) sous l’impulsion du pianiste et compositeur Muhal Richard Abrams. Cette coopérative d’une cinquantaine de musiciens noirs va devenir un des épicentres de la création nord-américaine, favorisant les rencontres, permettant la diffusion d’idées musicales nouvelles. Mais l’histoire du jazz retiendra surtout que l’AACM a été à l’origine de la formation de l’Art Ensemble of Chicago (AEC). Etablie dans sa composition actuelle à Paris en 1970, cette formation composée de cinq multi-instrumentistes a eu une abondante production.
The Third Decade est la réédition d’un album paru en 1985. Le premier thème, Prayer for Jimbo, est énoncé par Jarman au synthétiseur. Le Jimbo en question est Jimbo Kwesi, « premier officier noir à servir et à mourir pour sa majesté la reine d’Angleterre ». L’histoire veut qu’il ait été tué par ses propres troupes qui l’avaient pris pour un ennemi. Il n’est donc pas étonnant que le thème, repris ensuite aux flûtes par Jarman et Mitchell, évoque fortement les pipe-songs des troupes britanniques du dix-huitième siècle. Le contraste avec le thème suivant est intense. La basse funky de Favors et la batterie de Don Moye sont rapidement rejointes par le bugle de Lester Bowie et tout l’arsenal typique de l’AEC, percussions diverses, sifflets et sirènes. Walking in the Moonlight et Zero sont des thèmes de facture traditionnelle, alors que dans The Bell Piece l’improvisation collective domine, tout comme dans le titre éponyme.
Cet album constitue un des grands moments que l’AEC a gravé. Richesse des sonorités et des timbres, structure et absence de structure, polyinstrumentation, voilà les bases d’un jazz totalement innovant dont l’AEC a été l’un des initiateurs.