1969 : baptême de l’Arpanet, premier réseau des réseaux, qui permet de relier entre eux une vingtaine de centres militaires, industriels ou universitaires. Réseau informatique de transmission de données construit entre 1959 et 1968 à l’initiative du Département américain de la défense par l’agence ARPA (Advanced research project agency) afin d’assurer la sécurité des relations entre les centres militaires dans toutes les hypothèses envisageables, notamment la destruction d’une partie du réseau, l’Arpanet est l’ancêtre d’Internet : ce dernier doit son essor, après 1982, à la gratuité de l’accès au réseau ainsi qu’à l’explosion de la micro-informatique.
2002 : Arpanet est l’intitulé du projet electro de Rudolf Klorzeiger, aka Dataphysix. Ce jeune homme-machine, basé à Détroit, a participé au mémorable premier album de Dopplereffekt, celui à la pochette noire avec la faucille et le marteau, qui, sur des beats synthétiques répétitifs, énonçait d’une voix robotique « I want to be a porno star » ou « We have to sterilize the population ». Avec Arpanet, Dataphysix quitte le domaine de la politique (quoique…) pour mieux perpétuer le message kraftwerkien, que le message est le médium, que l’art doit traiter de la technique, que la machine est poétique. Wireless Internet est donc un concept-album sur les nouvelles technologies, et plus particulièrement, sur l’i-mode, ce nouveau modèle de téléphonie portable constamment connectée au Net, que la plus importante société de télécommunication nippone, NTT DoCoMo, lance aujourd’hui sur le marché mondial.
Loin devant la musique d’ascenseur décorative ou la musique d’aéroport fonctionnelle, Wireless Internet propose une musique comme signe, signal, jingle, communication d’entreprise, surfant sur les fréquences communes, nappant la mappemonde de son réseau hertzien, connectant chacun au tout et tout à chacun. Elaboré comme le trip anime-scientifique de Lain et simple comme les trois notes de pianos jouées par Truffaut aux extra-terrestres dans Rencontre du troisième type. Entre totalitarisme technologique et télépathie prosaïque, Arpanet prophétise, d’une voix vocodérisée, l’inter-connection sans fil, la vie télécommandée, sur des gimmicks electro ultra stylisés, des boucles de Korg et de Moog, des bassline 80’s, des beats martiaux minimalistes.
Cependant, comme dans Dopplereffekt, l’outrance caricaturale de cette apologie de la technologie, et quelques signes de latente ironie (la voix du vocoder qui déraille légèrement…) laissent supposer que Dataphysix, ici, présente une future réalité possible mais en donnant à chacun le pouvoir ou l’envie de la comprendre, de la prévoir, de la transformer. Plus qu’une apologie aveugle de la modernité, ce disque est une oeuvre musicale de science-fiction, une science-fiction pas si lointaine, un outil d’interrogation et de réflexion sur un futur à construire.