On aurait pu faire dès le départ la blague du Hollandais volant ou du Belge bourré pour parler d’Arno, ex-punk reconverti dans le bal musette décalé pour étudiants gaucho en mal d’authenticité. On aurait pu, ouais, mais bon… De toute façon le résultat est le même et Arno, icône bien malgré lui du renouveau chanson réaliste entamé au milieu des années 90 reste dans l’imaginaire collectif comme un vieil ivrogne mal rasé reconverti dans la chanson à texte. Erreur. Si le phrasé de Arno Hintjens est effectivement des plus approximatifs, la qualité musicale de son groupe (issu des TC Matics) et de ses arrangements fait des disques d’Arno beaucoup plus qu’une compilation hasardeuse de chansons à boire.
Dès le début de sa carrière solo, Arno a choisi des producteurs de talent. Le premier essai, parrainé par Holger Czukay, dénote bien la volonté du chanteur de se démarquer du mainstream de la chanson « authentique ». L’ex-musicien de Can avait su créer un son original, avec des arrangements sortis d’un post-rock de guinguette. La suite, malheureusement, avait vu Arno se perdre un peu dans les chemins créés par lui-même, ou Jean Marie Aerts. Le cocktail avait trop d’ingrédients pour ne pas donner dans l’indigeste : un zeste de soul (on croyait entendre Magma et son apocryphe « Merci »), des chœurs mis en place à la va-vite, des rythmiques trop métronomiques pour soutenir l’originalité du propos. Dernier en date sur la longue liste des super-ingénieurs du son d’Arno, Craig Armstrong pour une touche légèrement electro.
Au-delà du son, l’élément fondateur de la bande à Arno, c’est une voix, des textes. Eraillée, écorchée, bref définitivement humaine. C’est d’ailleurs ce qui plaît tant au public gentiment rebelle d’Arno. Notre brave vieille jeunesse en perdition, sauvée des eaux une fois de plus par un des piliers de bars qui raconte la vie, la vraie. Et si Arno ne se confine pas dans ce rôle, les autres l’ont fait pour lui. Définitivement étiqueté, on a du mal à oublier toute la mythologie du personnage à l’écoute des ses chansons. En vingt titres et quasiment la moitié de reprises (Adamo et ses Filles du bord de mer, Dutronc avec Jean Balthazar), son best of se déroule en montagnes russes. Quelques beaux moments (Jive to the beat, Les Yeux de ma mère, Les Filles du bord de mer) côtoient donc le plus ennuyeux et même l’incontournable duo, promo oblige, avec la guest-star de passage, ce soir-là Stephan Eicher. Du grand fourre-tout bordélique d’Arno ressort de toute façon une seule certitude : après le punk, peu d’avenir.