Aquaserge, genèse : trio guitare-basse-batterie toulousain tombé du bateau Hyperclean, compagnons de route de Bertrand Burgalat en 2008, l’équipage désormais augmenté en septet joue les sous-marins psyché-prog dans le marigot rock hexagonal, retrouvant la poésie dadaïste des bandes originales de films (réels ou imaginaires) des 70’s (Goraguer, Vannier), inventant des mondes à venir sur le modèle de ceux engloutis, narrant « cette étrange saga d’un camion de tournée qui se transforme en sous-marin (l’Aquaserge, Gainsbourg évidemment !), sous la montée des eaux diluviennes ». Sous le commandement du Saint Buveur Serge, le long de choeurs clairs comme du Robert Wyatt, sur des mélodies embouteillées et des phrases en alambics, le sous-marin conceptuel Aquaserge navigue ainsi entre les balades aquatiques du commandant Cousteau, les marines folles du capitaine Nemo et les Lettres de l’Océan Atlantique de Fred et Philémon. Ce troisième jet Special origines, raconte, en commençant par la fin, la dérive de Ce très cher Serge à la recherche d’une étoile de mer, ivre de profondeur, ne retrouvant plus la surface, finissant, dans un delirium tremens ou un bel excès de lucidité, par croiser des cryptides et les habitants de l’Atlantide. Magical Mystery Submarine Tour, donc, et métaphore probable d’une marginalité choisie autant que d’une exigence de sens, loin des baleiniers de la chanson française et des sirènes de la musique en boite.
Pour preuve, Ce très cher Serge se trouve matroné par l’illustre Makoto Kawabata, guitar-hero en chef des nippons psyché Acid Mothers Temple, qu’Audrey G. (tous les membres du groupe se nomment G.) a fait tourner et plus, car affinités : « Sous son armure de samouraï du rock’n roll, Makoto Kawabata a un esprit d’enfant collectionneur, typiquement japonais, il me semble. Dans sa gigantesque collection de vinyles, les chants des troubadours côtoient toutes les éditions des 45 T d’ABBA. Il est capable de reconnaître, au son, l’origine d’une musique. Contrairement à ce que la presse spécialisée dit à notre sujet, selon lui, Aquaserge ne sonne ni allemand, ni anglais, ni américain ; pour lui Aquaserge a la douceur et le raffinement des productions musicales françaises. « Life is too short for a guitar solo » : Julien G. lui a sorti cette phrase, qui l’a fait beaucoup rire. Makoto Kawabata fait peut être partie d’une espèce en voie de disparition, un des derniers « guitar hero », avec tout ce qu’il y a de plus ringard, de romantique et de spectaculaire. Mais, pour comprendre réellement sa musique, il faut le voir jouer en solo ». Perle sur le gâteau, l’identité visuelle d’Aquaserge (qui ont décidément de la suite dans les idées) a été dessinée par un membre de la maison d’édition Les Requins Marteaux, Katou, entre comics américains (« Special origines » est une référence aux classiques Marvels, qui racontaient les origines des super-héros), fantaisie poétique à la Jean Claude Forest, et fantastique français né de la révolution industrielle du XIXème siècle. Tout cela fait un joli film sans images, sinon celles qu’éveillent les sonorités devenus aquatiques à force de flux et reflux et les cantiques en rouleaux de mots découpés en tranches de syllabes. On a soumis les poissons à la question.