André Popp, l’homme de Piccolo, Saxo et Cie, des musiques de Babar, Tintin, Des chiffres et des lettres, aura bercé, qu’on le veuille ou non, notre quotidien musical, de 7 à 77 ans. Intimement liée à l’enfance, sa musique est désormais éternelle, gravée dans le métal de ce CD compilatoire, orchestré par le label Tricatel, dont le chef, Bertrand Burgalat, paie ainsi son tribut à l’un de ses meilleurs inspirateurs. Car, hors des sentiers lumineux de la musique illustrative, André Popp aura aussi été l’un des compositeurs-arrangeurs les plus talentueux du XXe siècle, du fabuleux Elsa Poppin’ Delirium in hi-fi enregistré avec Boris Vian en 1958, à L’Amour est bleu, chanté par Claudine Longet, immortalisé par Paul Mauriat, n°1 aux USA pendant des mois, vendu à 40 millions d’exemplaires.
L’étiquette easy-listening dont on a affublé André Popp ne suffit pas à définir son style unique, mélange de musique savante et de culture populaire, d’orchestrations sophistiquées et d’évidence pop. Car si l’art de ce compositeur hors-pair semble « facile », c’est qu’il est gracieux, qu’il camoufle son extrême savoir-faire derrière un style lumineux et toujours intensément positif et optimiste. Ici compilée forcément arbitrairement en 20 titres essentiels, la musique de André Popp est tubesque (L’Amour est bleu par Claudine Longet, Les Lavandières du Portugal par Astrud Gilberto, Years may come, years may go par les Herman’s Hermits ), comique (la chorale de cors de chasse sur Chasseurs sachez danser, les rythmiques de boules de pétanque de Manchester et Liverpool), merveilleusement nostalgique, cinématographique, aventureuse.
Car André Popp a aussi été un des expérimentateurs les plus influents de la musique populaire contemporaine. Le premier à utiliser pleinement les effets de la stéréo, à inverser ou accélérer les bandes, à composer avec des chambres d’échos, certaines de ses compositions relèvent de la musique psychédélique, mariant orchestres et synthétiseurs, dans une vision moderniste quoique respectueuse de la musique orchestrale.
Entre Burt Bacharach et Spike Jones, Ennio Morricone et Jean Jacques Perrey, la musique d’André Popp est tout à la fois ambitieuse et drôle, riche et simple, érudite et novatrice. Voilà une compilation dont on ne saura se suffire, il faudra chercher les pépites essentielles de sa longue et prolifique carrière, dont l’indispensable Elsa Poppin’. Le passé est inépuisable.