On ne s’était jamais vraiment intéressé à Albin de la Simone (lire notre interview) avant la sortie de Bungalow ! (avril 2008). On avait bien reçu son deuxième album, Je vais changer (mai 2005), mais à peine l’avait-on écouté. En fait, rien ne nous attirait chez cet ex-pianiste de jazz. C’était physique, presque, avouons-le. Le type avait une tête trop fade, trop gendre idéal et bien dégagé derrière les oreilles, trop nouvelle chanson française en somme, pour avoir quelque chose à nous dire.
Ecouter Je vais changer n’a fait que confirmer notre intuition. On y a trouvé une voix et des mélodies si lisses et linéaires, des chansons si dénuées de chair et d’émotion, comme anesthésiées, que ça nous a déprimé comme un déjeuner dominical chez grand-mère. Vous savez, lorsque vous restez poliment à écouter le coucou faire coucou, l’horloge faire tic tac et que tout le monde fait semblant de passer un moment agréable alors que tout ça n’est qu’une foutue perte de temps. Bref, ce mec donne tellement l’impression de ne pas vouloir déranger et de s’excuser d’exister (il se ferait passer dessus par un 3 tonnes, il dirait pardon d’avoir été là, sur le passage piéton), il n’a tellement pas un mot plus haut que l’autre que le filet sonore qui sort de ses lèvres finit par devenir la plus pénible des nuisances. Et on ne parle même pas de Simone, les vingt minutes de pure complainte pianistique qui ferment le disque. Là, on imagine le type, il a prévu une fête d’anniversaire chez lui en son honneur ; enfin non, sa mère a prévu une fête d’anniversaire chez eux en l’honneur de son fils parce que lui ça ne lui serait jamais venu à l’esprit (il sait qu’il n’a pas d’amis) et paf, ça n’a pas manqué, personne n’est là. Il n’y a que lui, sa mère et quelques ballons de couleurs dans la pièce. C’est d’un triste… Alors, comme on va au cimetière, résigné, le petit Albin se met au piano et joue, pour maman. Un truc joli et doux et triste. Et là il ne chante même plus. Un 3 tonnes lui est passé dessus.
C’était ça, Albin de la Simone. Enfin, avant. Et puis le type, on ne sait pas ce qui lui a pris, sur Bungalow, son troisième album (le premier, éponyme, date de 2003), il s’est enfin décidé à péter un coup. Il a envoyé bouler coucou, horloge, grand-mère, maman. Il a même troqué ses velours contre des jeans ! Enfin, on dit qu’on ne sait pas ce qui lui a pris, mais si : cf. notre interview. Ce qui s ‘est passé, donc, c’est que l’ouragan Katerine lui est passé dessus. Son disque de 2005, Robots après tout, l’a dévergondé. Et ce n’est pas étonnant. Il en est de même de Jeanne Cherhal, sa copine, avec Camille. Son Fil l’a dévergondé. Sur Bungalow, influencé par Philippe « Daddy Cool » Katerine, Albin s’est donc ouvert à toute une gamme de couleurs et de motifs pop eighties inédits pour lui. Avoir enregistré ce disque dans un bungalow sur l’île de Bali a aussi joué dans cette métamorphose. C’est là-bas, dit la bio, « que lui est venu le gimmick de ce disque : un chœur lui donnant presque systématiquement la réplique. Parce que j’étais seul, précise l’auteur, j’imaginais des voix féminines me répondant, me soutenant, et même se moquant de moi. Alors pour simuler provisoirement cet effet, j’ai utilisé un système de transposition numérique de ma propre voix, qui finalement s’est révélé être un élément irremplaçable sur huit des onze chansons du disque ». Ok, cest pas encore la grosse déconne : Albin chante encore trop souvent comme un Playmobile sour Lexo, mais il y a ici cinq morceaux vraiment sympas. Sur Catastrophe, Sympa, Mon ami mythomane, Vendéen et N’importe quoi ses choeurs Chapi Chapo nous ont donné envie de bouger comme si on écoutait Gotainer et que notre pulpe devait vol on a eu beau nous retrouver en compagnie de sa seule voix de despeer en éclat. Sur les six autres chansons, Adrienne, J’aime lire, Ce pull, J’avais chaud, Parle-moi et Le Tire-fesses,rate houseman souchonienne, cette fois on n’a pas eu envie de le baffer, on s’est gentiment laissé bercer. Albin de la Simone a eu la bonne idée d’ouvrir les fenêtres et de laisser rentrer le soleil. Et cette petite vibe chaloupée qu’on peut entendre nous a donné l’impression d’un voyage immobile, comme si on nous massait tranquillement. Son côté Voulzy peut-être ; voire Philippe Lavil ! Great.
Alors oui, ce n’est pas encore ça, pas encore l’album de la libération pour Albin de la Simone. On le voit d’ailleurs dès la pochette : il a beau s’y montrer tout de rouge vêtu dans un espace ouvert lui-même tout rouge et dominé par une explosion BD, la mention de son nom ainsi que son prénom en grosse capitales, genre je suis devenu pop, je casse la baraque, je vous lance d’ailleurs un petit regard défiant-complice pour vous inviter dans mon nouvel univers… oui, Albin à beau faire tout ça sur cette pochette, il n’en reste pas moins qu’il est un tout petit personnage perdu au coin d’une grande pièce. Un tout petit personnage qui donne plus l’impression d’être interdit de quelque chose, comme retenu par une camisole de force intérieure, privé de dessert, qu’en pleine possession de ses moyens. Alors oui, Albin de la Simone n’est pas Philippe Katerine. Avec Bungalow, il ne signe pas un album de rupture, pétaradant, révolutionnaire comme Robot après tout. Pour paraphraser l’auteur de Louxor j’adore, Albin de la Simone ne va pas « à l’encontre de tout ce qu’il y a de pénible en France. C’est-à-dire le goût de la jolie chanson ou la chanson sympa ». Bien au contraire, même, mais il livre ici son album le plus sympa à ce jour.