Depuis deux ans qu’elle a entamé ses amours avec le tout digital de l’electronica, la dance music n’a de cesse de se voir réinventée. Micro-house, minimal techno, clickhouse, digidub, peu importe les étiquette, la pulsation reste la même. C’est entre les interstices que des jeunes nerds programmateurs du monde entier, nourris à Mego, Chain Reaction, Kompakt et Raster-Noton, font la course à la bonne idée. On répertorie ainsi en vrac les scène californienne (autour de Sutekh, Kit Clayton et Twerk), suédoise (Andreas Tilliander et Mikael Stavostrand), et bien entendu allemande (dont le dernier grand soubresaut en date s’articule autour du label Klang Elektronic). Le label berlinois Force-Inc les a toutes un jour ou l’autre soutenu, et il s’attaque aujourd’hui à la bourgeonnante scène montréalaise, qui accueille tous les ans le festival multimedia Mutek et dont le chef de file désigné depuis plusieurs mois est le très hype Marc Leclair, alias Akufen.
C’est simple, depuis six mois, après une série remarquée de maxis sur le label allemand Trapez et un dévastateur mini-album sur Perlon, on ne parle que de lui. Sa bonne idée, c’est la fouille intempestive des ondes radio, qui lui fournit un hilarant et très efficace matériau sonore qu’il redécoupe ensuite en un multitude de fragments qu’il assemble obsessionnellement en autant de mini-grooves plunderphoniques endiablés. Comme un zapping radio à la vitesse de la lumière, pulsée et syncopé par un sequencing chirurgical. On songe quelques instants aux micro sampling de Prefuse 73, aux collages hyperactifs de Twerk. Mais très vite, Akufen marque sa différence de ses pairs férus d’abstraction : son truc à lui, c’est la dance music. Et cette dernière s’affiche haut et fort tout au long de ce premier album caractériel, au titre évocateur. Ses puzzles de sons, de notes éparses, de voix désarticulés se rencontrent tous dans un creuset house et glamour qui rappelle instantanément les moments les plus excitants de l’effusion French touch, de Motorbass aux premiers brûlots de… Daft Punk. Les basses de Deck the house et du très funky Jeep sex ne trompent pas. A ce titre, l’une des pistes de My way pourrait bien se trouver sur le Discovery du duo français : le morceau s’appelle Face to face et semble contenir dans sa forme embryonnaire les schémas hyperactifs du québécois.
Alors on pourrait faire la fine bouche face à ce premier album où la bonne idée tourne un peu à la formule systématique, regretter peut être l’absence d’ambition artistique pour un premier opus voué à l’écoute domestique. Mais quelques morceaux de bravoure plus introspectifs (Installations) et décalés (Heaven can wait) soulignent la qualité intrinsèque indéniable des odyssées dance-floor Deck the house et Wet floor, et font définitivement pencher la balance du bon côté. Trop glamour pour les férus de microhouse informatique et expérimentale, trop expérimental pour les fans de house pur jus, My way est un étrange disque qui pourrait bien, à l’image du R&B sous l’impulsion de Timbaland, donner à la dance music (dans ses formes plus « commerciales, » s’entend) le coup de fouet qu’elle cherche désespérément depuis plusieurs années. A découvrir avant que les autres ne vous le fassent découvrir.