Ce très joli disque en carton est la deuxième sortie d’un tout nouveau label allemand à la croisée des musiques environnementales, électroniques et acoustiques. Un de plus n’est-ce pas ? Oui, sauf que celui-là est dirigé par Tom Steinle de Tomlab, petit label electro qui s’est avant tout distingué pour avoir privilégié l’affectif dans le travail de ses artistes. C’est donc surtout le coeur que Steinle demande à ses expérimentateurs d’explorer, et ce n’est pas pour rien qu’on lui connaît des connexions avec ces autres savants à fleur de peau que sont Lucky Kitchen, Novisad ou Anne Laplantine.
Aki Onda, compagnon de route de Yamatsuka Eye et de Nobukazu Takemura, deux artistes essentiels au pays du Soleil Levant (avec lesquels il a fondé le collectif Audio Sports au début des années 90), expérimente avec amour dans à peu près tous les styles musicaux, de la pop à la musique contemporaine. Après deux albums très « européens » sur lesquels il invitait Noël Akchoté, Simon Fisher Turner, Blixa Bargeld ou encore Bernard Vitet, il se consacre ici à des compositions tendres et délicates aux titres évocateurs (Caress, Fish don’t know it’s raining), en compagnie de quelques amis musiciens, dont Hosomi Sakana du groupe électronique Neina.
Arrangements de clarinette à la ECM, picking de guitare romantique à la Gastr Del Sol, enregistrements environnementaux et autres gargouillements électroniques : Onda emprunte à tous les genres pour créer des mélodies et des atmosphères évocatrices, aux motifs répétitifs mais jamais ennuyeux, d’une délicatesse extrême. On est autant subjugué par les incroyables idées de cet artiste sans limites que par sa capacité à les faire cohabiter dans des structures harmonieuses et calmes, câlines et apaisantes, jamais clichés. En parlant de cliché, apposons le nôtre : la musique de Precious moments tient du zen. Mais pas d’un zen stérile et impénétrable à la manière de son compatriote Ryoji Ikeda. Non, un zen mouvant et émouvant, au sein duquel on devine l’évocation de souvenirs particuliers de son auteur, qu’il redessine avec une rare justesse, sous forme d’aquarelles sonores paradoxalement autant troubles et impressionnistes que schématiques et précises. La musique d’Aki Onda est expérimentale, certes, mais aussi diablement émouvante.