Faire écouter Africando à des latinos est une source d’amusement inépuisable. Les salseros africains étant quasiment inexistants à San Juan, New York ou La Havane, le choc culturel est inévitable : « Mais en quelle langue chantent-ils ? » est la réaction habituelle lorsque l’on passe un extrait de Betece, le dernier album d’Africando. Musicalement. Le disque est de la salsa pure, enregistrée à New York par les meilleurs musiciens locaux et arrangée de main de maître par le Malien Boncana Maïga : ayant étudié pendant dix ans au conservatoire de La Havane, la musique cubaine n’a plus aucun secret pour lui. Avec Africando (« Afrique en marche » en espagnol et en wolof), le terme de musique afro-cubaine prend toute sa signification. La fusion de la musique cubaine avec les multiples traditions vocales africaines (swahili, fon, lingala…) n’en est pourtant pas à son premier coup d’essai. Puisant leurs racines en Afrique, la rumba, le son et la salsa ont toujours été populaires sur le continent noir, depuis l’importation des premiers 78 tours cubains au début des années 30. Cette fascination pour Cuba culmina en 1960 avec le tube Indépendance cha-cha d’African Jazz, véritable hymne à la décolonisation diffusé dans toute l’Afrique de l’Ouest. La « salsa » s’imposa alors partout : au Mali avec Boncana Maïga y Las Maravillas de Mali, au Bénin avec Gnonnas Pedro y Sus Panchos de Cotounou ou en Guinée avec Bembeya Jazz. Il est donc logique de retrouver dans Africando toutes les stars de la vague afro-cubaine qui déferla en Afrique entre 1960 et 1970.
En 1993, le producteur Ibrahim Sylla et Boncana Maïga décident de ressusciter ce métissage africano-cubain avec un trio vocal 100 % sénégalais composé de Medoune Diallo (ex-Baobab), Nicolas Menhelm et Pape Seck. Africando, qui rencontre très vite le succès avec ses deux premiers albums, Trovador (1993) et Sabador (1994). La mort prématurée de Papa Seck en 1995, principal compositeur du groupe, est surmontée en ouvrant Africando à d’autres chanteurs d’origine africaine (Sekouba Bambino de Bembeya Jazz, Gnonnas Pedro…) ou haïtienne (Eugene Shoubou de Tabou Combo). Après deux albums de transition (Gombo Salsa et Baloba), Betece relance la saga Africando avec un projet particulièrement ambitieux : réunir dans un all stars imposant tous les chanteurs ayant participé au groupe depuis 1993 ainsi que de nouveaux invités aussi prestigieux que Salif Keita (ayant débuté sa carrière sous le nom de Domingo !) ou le Congolais Koffi Olomide, qui a récemment triomphé à Bercy. Dernier avatar de ce ping-pong musical engagé entre l’Afrique et Cuba, Betece se présente avant tout comme le symbole d’une unité africaine à construire. Le dernier titre de l’album, Doni, Doni, chanté par l’ensemble des invités, adapte un succès historique du Bembeya Jazz pour en faire un hymne à la démocratie. En attendant la création des Etats-Unis d’Afrique, Betece est plébiscité aussi bien dans les boîtes africaines que latinos.
Medoune Diallo, Lokua Kanza, Amadou Balake, Gnonnas Pedro, Salif Keita, Ronnie Barro, Shoubou, Sekouba Bambino, Thione Seck, Koffi Olomide, Boncana Maïga, Hector Casanova, Bailly Spinto (voc.)