A seulement 22 ans, Adam Green, fils de médecins new-yorkais, a déjà un nom de star (« Adam Vert », un pavé sémantique de plus dans la mythologie pop-rock américaine) et a déjà sorti trois classiques de la musique populaire américaine : le premier opus du groupe qu’il a formé avec la chanteuse Kimya Dawson, The Moldy Peaches (meilleur album 2001 et carrière à la Spinal Tap, en accéléré version lo-fi : album, tournée internationale, split, second double album live et démos), son premier album solo (vieux morceaux 4 pistes, entre Syd Barrett et le classique jaggerien Baby’s gonna die tonight), et aujourd’hui un deuxième album solo somptueux, enregistré dans un studio professionnel, avec groupe au cordeau et arrangements de cordes précieux (dans le bon sens du terme, par Jane Scarpantoni et Steven Mertens), qui fait dire à la presse américaine qu' »Adam Green est aujourd’hui tout ce qu’a été Beck et qu’il n’est plus », ou quelque chose dans le genre.
Fi de comparaisons, si la musique du jeune Adam est multi-référencée, version fidèle mais non-sense de l’éternelle mélodie country-folk-pop US (Tim Hardin, Nick Drake, Lee Hazlewood), cet élu se tient très bien tout seul. Sa belle voix en avant (qui revendique sans complexe l’influence de Frank Sinatra) pose ses textes absurdes mais tendres (« Everyone’s talking to Jesus / Everyone’s talking to Jesus / Everyone’s fucking my princess ») sur des mélodies folk dont la simplicité relève sinon de l’enfance, du moins de la meilleure tradition du songwriting. Encore teenager, Adam vit dans le monde des fées de Lewis Carroll, oscillant entre rêve et réalité, Manhattan et champs de blés, Kellog’s et Bourbon, renommant choses et gens dans le jardin de Central Park, les faisant apparaître soudainement mais en douceur par la seule puissance de ses mots : « Blue birds are so natural / I want to buy them for my friends (…) And I don’t go out for brunch / And I don’t go out for concs / And I don’t go out for months / Without my Barnes and Nobles credit card. »
De la teenager Jessica Simpson (single de l’été) à la princesse de Princess bed, en passant par le fille qui n’a pas de jambes (No legs : » There’s no wrong way to fuck a girl with no legs / Just tell her you love her as she’s crawling away / There’s no wrong way to fuck a bitch with no face / Now you’ll never be sad again » ), petit Adam déroule une galerie de portraits enjouée, faisant les présentations, listant les objets réels ou fantasmés de son indéfectible amitié : Friends of mine. On le savait déjà, lorsqu’on a découvert la petite scène antifolk new-yorkaise, formée par les Moldy Peaches, Jeffrey Lewis, Turner Cody, Prewar Yardsale, Toby Goodshank, etc. : tous ces songwriters talentueux ont formé le courant musical le plus créatif et le plus prometteur de ce début de siècle, parce qu’ils étaient liés par ce sentiment unique que contient l’idée même de pop-music, l’amitié. Grâce soit rendue à Adam Green d’avoir su nommer et fixer cette belle histoire de rencontres et de multiplicités, dans ce disque humble et touchant : une bonne rencontre, un accident heureux, un évènement (dans le sens deleuzien, le seul sens acceptable du terme), un événement heureux.