Dans les années 80, Mick Jagger ne jure que par le disco, le funk, les boîtes de nuit. Les rares fois où il passe chez Keith Richards, il trouve le comte Dracula en pleine écoute d’AC/DC. Que c’est beau un groupe sur la même longueur d’ondes, soudé, en pleine osmose créative… Cette anecdote, mille fois rabâchée, prouve au moins une chose : AC/DC n’a jamais vraiment été un groupe de hard. Keith Richards passerait-il ses nuits à hocher de la tête sur Iron Maiden ? Evidemment pas. Monsieur Richards avait vu juste, comme bien souvent. AC/DC est avant tout un groupe de rock brutal et primaire, dépositaire d’un son et même d’une façon de jouer. Chez AC/DC en effet, bien plus que chez Belle And Sebastian par exemple, tout est dans la retenue : ou comment retenir un riff, y imposer des silences monstrueux, aménager de l’espace pour la section rythmique. Bientôt un petit Que sais-je exhaustif sur le sujet.
En prime, un bon disque d’AC/DC donne lieu à deux ou trois perles côté lyrics. Comment oublier des phrases comme « I took a one way ticket to the wrong way » ou encore « I’m hot and when I’m not, I’m as cold as ice » de Bon Scott. Des textes rock parfaits, dignes des plus grands bluesmen, qu’il serait bon de juger sans second degré, un de ces jours. Le premier titre de ce nouveau disque, Stiff upper lip, collera un sourire (raide) sur de nombreux visages. Le riff est bon et le groupe retrouve cet étonnant mid-tempo qui fait hocher de la tête sans réfléchir. C’est aussi l’occasion d’enlever poliment sa casquette à cornes pour Georges Young, producteur mythique de chefs-d’œuvre comme High Voltage (1976), Dirty deeds done dirt cheaps (1976, eh oui, deux albums la même année) ou Let there be rock (1977), de retour ici aux manettes. Cela s’entend quand Monsieur Young pousse les boutons. Les guitares deviennent grasses, le charleston est présent dès la première note, le groupe marque un blanc… puis hochements de tête à l’infini. Surtout en voiture.
Malheureusement, les problèmes restent à venir. Après cette entrée en matière assez jouissive, AC/DC lève le pied et opte pour l’option boogie lent. Si Meltdown parvient à emporter le morceau, si la guitare d’Angus Young sonne comme du barbelé rouillé sur Can’t stand still, le reste a bien du mal à décoller. Particulièrement un horrible House of jazz, qui fait froid dans le dos. Un peu comme si ce groupe dantesque préférait réduire sa carrière à un morceau contestable comme The Jack plutôt que de choisir des chefs-d’œuvre comme Back in black ou Live wire. Côté aphorismes, la récolte est maigre. C’est à peine si l’on remarque « I feel safe in New York city », beau refrain ironique.
Il faut bien laisser passer six morceaux pour retrouver un titre réellement méchant avec l’intro de Satellite blues. On ne demande pas à AC/DC d’innover, on leur impose de ne pas se planter, de ne pas se fourvoyer. Ce qui est tout aussi difficile, reconnaissons-le. La fin de l’album retrouve un peu de superbe, mais la partie est déjà perdue. Dommage, il ne reste plus qu’à écouter les trois ou quatre titres efficaces en boucle. Peut-être en voiture.