Zsuzsa Bank, avec son premier roman, Le Nageur (2004), s’était vue encensée par la critique, aussi bien allemande que française. Bourgois publie aujourd’hui son deuxième livre, un recueil de nouvelles, une succession de brèves scènes de vie : douze récits qui tournent autour des mêmes thèmes – le départ, la séparation, l’absence. Les personnages, d’une nouvelle à l’autre, semblent interchangeables ; quand un texte parfois touche plus que le précédent, il reste noyé dans un flou généralisé ; bref, on reconnaît son écriture mais, sur le fond, on ne retrouve guère l’émotion qui frappait dans Le Nageur. L’unité de sens, recherchée, aurait pu être propice à une déclinaison variée d’histoires explorant le même vide, la même nostalgie du passé, selon des angles différents. Mais la longue litanie des personnages se contente d’égrener l’angoisse d’un temps impossible à rattraper.
Tout commence avec « Dernier dimanche » : dans une ville de l’Est, sinistre à souhait, une conférencière de passage retrouve certains membres de sa famille. Elle repart ensuite mais entame avec eux une correspondance, faite de petits riens. Jusqu’à ce que le silence retombe, comme si on lui volait pour la seconde fois des années depuis longtemps évanouies. Deuxième texte : Lydia, elle aussi, a quitté sa ville (son pays ?), direction Londres. Un jour, elle envoie une carte à son amie d’enfance, restée derrière elle : « Come to see – fall and me ». La jeune fille vient la retrouver, dans son petit appartement, intimidée. Pour constater ce qu’elle savait déjà : avec le temps passé, ce qui les liait a disparu. Viennent ensuite les longues journées d’une « Ere glaciaire » : chez Becky et ses deux enfants, Carola s’ennuie, coincée par la neige qui tombe, sans jamais s’arrêter. Christopher le mari, peste contre le temps. Carola compte les jours, les heures, avant de s’en aller.
Les scènes d’un quotidien triste se succèdent. Une femme rencontre sur un quai de tramway un homme qu’elle aurait préféré oublier. Deux femmes, encore, rendent visitent à une troisième, hospitalisée pour troubles mentaux. Autrefois amies, elles ne se revoient plus que pour ce rendez vous annuel de fin décembre, n’ont plus rien à se dire, sacrifient au rite. Ces histoires d’amitié, d’amour, le plus souvent féminines, tournent en rond. A trop manier l’ellipse, Zsuzsa Bank affadit ses textes, alors qu’on attend seulement qu’ils prennent vie. Parfois, on semble s’engager sur cette voie : dans « Bonheur », les deux jeunes femmes qui vivent ensemble dans leur deux-pièces de bord de mer, jusqu’à ce que l’une d’elle s’en aille et que tout s’écroule, auront au moins vécu quelque chose ; dans » L’été le plus chaud « , les souvenirs de Lisa, revenue en Italie sur les traces de sa famille laissent deviner une forme d’aboutissement. Mais ces moments sont rares.
Pour le reste, impossible de démêler les traces de cette absence, de ce mal de vivre. Eva, Julia, Sylvie, Alex, Carola sont les différentes faces d’un unique personnage, propre à s’illusionner, à plonger sans espoir de retour dans la mémoire d’une époque révolue. Zsuzsa Bank semble avoir voulu aller vers une épure, la plus parfaite possible ; le prix à payer est un vrai vide de sens.